Magazine Culture

L’Invaincu de Satyajit Ray

Par Etcetera
L’Invaincu de Satyajit RayAffiche du Film

Vous vous souvenez peut-être que j’avais chroniqué en novembre dernier un film de Satyajit Ray, La Complainte du Sentier (1955) qui était le premier volet de la fameuse Trilogie d’Apu, où nous suivions les premières années d’enfance du héros, Apu, au sein d’une famille lettrée et religieuse mais très pauvre.
Je viens donc de regarder le deuxième volet de cette trilogie, L’Invaincu (1957) où nous retrouvons le jeune Apu et le voyons évoluer entre l’âge de dix ans et la période de ses études supérieures.

Quatrième de Couverture du DVD :

Dans la suite de La complainte du sentier (Pather Panchali), Apu a dix ans et il est installé avec sa famille à Bénarès. Sur les escaliers qui dominent le Gange, son père gagne désormais sa vie en lisant des textes sacrés. Suite au décès inattendu de ce dernier, sa mère décide alors de retourner vivre à la campagne. Devenu un élève brillant, Apu décroche une bourse et part étudier à Calcutta, laissant sa mère déchirée par le chagrin.
L’Invaincu (Aparajito), deuxième volet de la trilogie d’Apu, est l’histoire simple d’un jeune adolescent assoiffé de sciences. Entre émerveillement et profonde tristesse, Satyajit Ray accède toujours à la vérité dans les instants du quotidien dépouillés de tout oripeau mélodramatique, mais il ne se refuse pas à intensifier, voire à transcender l’émotion humaine.

Ce grand film poétique, Lion d’or à Venise en 1957, permit à Satyajit Ray de conquérir ses lettres de noblesse, le plaçant dans la lignée des grands humanistes tels que Renoir ou Flaherty.

Mon humble Avis :

Nous retrouvons dans ce film certaines caractéristiques déjà présentes dans le premier opus : la même famille, réduite aux deux parents et à leur fils Apu, puisque la grande sœur Durga était morte à la fin de La Complainte du Sentier. Puis cette famille se réduit encore à la mère et au fils à partir de la mort subite du père et, enfin, dans les dernières minutes de L’Invaincu, Apu se retrouve orphelin, seul.
Une grande différence entre le premier et le deuxième volet, c’est qu’il y avait une relative unité de lieu dans La Complainte du sentier, qui se déroulait essentiellement dans la pauvre maison à la campagne de la famille d’Apu, dans une certaine immobilité méditative, tandis que L’Invaincu nous fait voyager successivement dans les rues de Bénarès, au bord du Gange, puis de nouveau à la campagne, et enfin à Calcutta où Apu fait ses études. L’Invaincu se déroule donc beaucoup en ville – et, plus précisément, dans la grande ville surpeuplée – et nous avons souvent des scènes de rues, des mouvements de foule, des attroupements religieux, et donc un aspect plus mouvementé.
Le thème religieux m’a semblé important dans ce volet : Apu, par tradition familiale, se voit obligé d’apprendre la prêtrise et il l’exerce même un petit peu mais il n’a aucune vocation pour cela et ne rêve que de sciences, vers lesquelles il finit par se diriger après avoir refusé de devenir prêtre. Apu doit donc s’opposer à sa famille, à la tradition, pour choisir sa voie individuelle et libre. Par ailleurs, d’autres indices nous montrent une certaine méfiance, voire une hostilité, vis-à-vis de la religion. Ainsi, c’est en buvant l’eau du Gange (censée être sacrée) que le père d’Apu rend l’âme brutalement. De la même manière, dans La Complainte du sentier, c’était peu après avoir prié les dieux de la rendre heureuse que Durga mourait et l’intervention néfaste des dieux était soulignée par plusieurs images insistantes.
Le thème de la loyauté à la famille, et notamment à la mère, est très présent dans la dernière partie du film : par ambition personnelle, Apu accorde sa priorité à ses études et à la construction de son avenir personnel mais il doit, de ce fait, délaisser sa mère et la laisser seule, ce qui causera un drame. Il semble donc que le conflit entre l’égoïsme et l’altruisme soit une des idées majeures du film, tout en comprenant que l’égoïsme peut être aussi une valeur noble, porteuse de liberté, d’épanouissement et de progrès, contrairement à une conception traditionnelle de la piété familiale, reposant sur l’obéissance et une certaine stagnation des individus.
Vous l’aurez compris, ce film m’a beaucoup intéressée et je l’ai vu avec grand plaisir. Il est tout à fait dans la continuité de La Complainte du sentier, qui est en tous points magnifique.

**

Je profite de cette chronique pour vous souhaiter à tous une très belle année 2022 ! Meilleurs vœux de santé, amour, chance et de belles lectures ! Et puis je nous souhaite toujours plus de poésie et de beauté, beaucoup moins de virus, et des élections qui puissent nous porter bonheur…


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Etcetera 162 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines