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Interview avec Biaziouka, une chanteuse à la croisée des cultures …

Publié le 10 janvier 2022 par Captain_h0wdy @twit2mat

Les artistes de demain. Quelle étrange appellation pour ceux qui façonnent le présent ! C'est comme si la culture s'intimidait d'affirmer, de constater leur effet immédiat. A peine a-t-on le temps de les nommer ainsi que déjà demain devient aujourd'hui. Peut-être les éloigne-t-on de l'instant pour empêcher ou du moins ralentir ce qui pourrait ternir l'éclat des créateurs déjà installés, confirmés, reconnus. On les désigne aussi comme " espoirs ", " artistes émergents " ... Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Et de qui je parle exactement ? Lolo Zouaï, Crystal Murray, Joanna ... Au final peu importent les noms. Ce dont je parle est propre à chacun, c'est je crois, subjectif. Celui qui adorera un artiste, en abhorrera un autre. Il n'y a pas de règles, mais surement y a-t-il des tendances et des préférences.

Justement, en ce qui me concerne, j'ai récemment découvert une femme d'exception : Biaziouka. Ce n'est que lorsque tu doutes de la qualité d'un artiste que tu sais qu'il n'est pas bon. Même si pour quelconque raison, tu ne veux pas forcément te l'avouer. Avec elle, pas d'hésitation ! Un torrent de stupéfaction m'a frappé devant tant de justesse, de douceur et d'équilibre à la fois. J'exagère à peine. Laissez-moi vous la présenter.

Sara Bia est née en 1995. Italienne, d'origine marocaine, elle est passionnée par la mode depuis toujours. Elle déménage en France à 17 ou 18 ans pour étudier la mode à Toulouse. Elle apprend le français en 5 mois, jusqu'à le maîtriser parfaitement, laissant seulement un léger accent révéler sa provenance. Détail : il disparaît totalement quand elle chante. L'Italie, le Maroc, La France. Trois cultures, trois forces, trois sources d'inspiration. Un jour alors qu'elle est en France et qu'elle n'a encore aucune intention de se professionnaliser dans la musique, innocemment, Biaziouka poste une vidéo où elle chante, sur Instagram. Puis tout va très vite.

" Ca a été un hasard. J'ai posté ce cover, je ne m'attendais à rien, et on est venu vers moi en me proposant de faire des séances studio. A la base le chant c'était juste une passion. Je ne pensais pas que ce serait ce que c'est maintenant. "

Le déclic se produit dans le studio, une fois en cabine.

" Face au micro c'est un autre univers ! "

De fil en aiguille, Biaziouka devient officiellement chanteuse et entame sa carrière, tout en gardant un pied dans la mode. C'est même plutôt qu'elle travaille dans la mode en mettant un pied dans la musique. Ou les deux ! Quoiqu'il en soit, son tout premier EP, " Faracha " qui signifie " papillon " en arabe littéraire, est sorti le 6 novembre 2020. " Funambule " et " Habiba " sont les deux seuls morceaux clippés du projet. Ils creusent une brèche visuelle dans l'univers artistique et modeste de la chanteuse, jusqu'ici inaccessible, car uniquement présente dans son imagination. " Faracha " symbolise l'envol de Biaziouka dans la musique. A mes yeux, c'est " Kalimat " (" paroles " en arabe) sorti le 19 novembre 2021 qui atteste au mieux de son imagerie musicale, de son talent rare et profond, et qui regroupe l'ensemble de ses inspirations, l'inscrivant définitivement dans la liste de mes coups de foudre culturels. Que ce soit pour son premier EP ou pour le deuxième, Biaziouka nous susurre ses plus belles histoires, et nous livre ses plus belles mélodies. Dans " Kalimat " elle dévoile une partie sombre de sa personnalité, et une autre plus lumineuse. Les deux parties sont séparées par l'interlude " Se ci Sei " qui veut dire " Si t'es là " en italien.

" On retrouve une partie de " Faracha " sur la partie sombre de " Kalimat ". Parce qu'il y a toujours une partie sombre de moi, assez mélancolique, très trap smooth, avec des voix derrière. "

Mais d'où sortent donc toutes ces notes, ces émotions ? De quoi est faite sa musique et comment Biaziouka puise dans ses inspirations ?

" J'ai toujours aimé écouter des artistes pas très connus. Les dénicher. Par exemple j'écoutais Rosalia avant qu'elle sorte " El Mal Querer " (lisez mon article sur Rosalia ici). En écoutant un artiste moins mis en avant, moins connu, tu écoutes la personne authentique. Le véritable artiste commence avec son propre univers et petit à petit, c'est malheureusement ça la crainte avec la musique, à un moment tu te retrouves obligé de faire du commercial. Enfin, ce n'est pas qu'on est obligés. Mais niveau marketing ça va marcher beaucoup plus que ce qu'elle faisait de base, soit le flamenco, si on prend Rosalia comme exemple. Elle apporte sa touche à elle. Ce qui est bien aussi avec elle, c'est qu'elle fait énormément de recherches sur ses projets musicaux. " El Mal Querer " est un album concept. "

Par rapport à la réception de la musique par les jeunes auditeurs français, Biaziouka ajoute " En général, chez les jeunes de 12 à 17 ans environ en France, l'oreille musicale est très portée sur des textes lover, des sonorités commerciales, répétitives, des textes souvent faciles. Si tu veux que ça fonctionne, t'es obligé de faire entre les deux, de trouver un équilibre, pour satisfaire les auditeurs de tous bords. "

Attendez, stop ! Quelque chose cloche. L'Italie ... N'est-ce pas le pays de la mode ? De l'art ? De mon point de vue français, lointain et certes approximatif, mais quand même un petit peu connaisseur, se lancer dans une carrière dans la musique ou le stylisme là-bas est totalement envisageable. Voire idéal. Même aujourd'hui la musique se porte bien en Italie. Enfin, il se trouve que je n'y ai pas vécu et que Biaziouka est italienne, ce qui remet tout de suite les choses en place.

Elle explique " Il y a eu des moments de doute. Les études de mode en Italie ce n'est pas pareil qu'en France. Malheureusement il n'y a pas d'avenir en Italie. Si tu n'es pas riche tu ne peux pas t'en sortir. Il n'y a pas le smic par exemple. J'ai des amis qui sont payés six euros de l'heure là-bas. Mais c'est un mal pour un bien, je n'aurais pas fait tout ce chemin sinon. "

Avant de passer à une sélection de clips choisit et commentés par Biaziouka suite à ma demande, j'aimerais insister sur un point. La mode est aussi primordiale que la musique pour Biaziouka.

" L'image et la mode ... Pour moi, l'un ne va pas sans l'autre. C'est grâce à ton style qu'on va te reconnaître. Quand je m'habille je m'exprime. Ca a toujours été le cas. Avant je dessinais, mais mes parents considéraient ça comme un hobby. Quand j'ai voulu étudier la mode, ça a été compliqué par rapport à eux. Mais je l'ai fait. "

Ou même que l'art en général, la création, l'expression, les émotions, les combinaisons. De couleurs, de cultures, d'inspirations, d'idées ... C'est sans fin. Elle a beau débuter sa carrière, on pourrait croire qu'elle y est depuis dix ans tant son monde est complet. Même si tout n'est pas abouti et qu'elle dit elle même que son " univers n'est pas encore fini ".

Non, il n'est pas fini, mais ça ne l'empêche pas d'avoir en tête des éléments bien précis, pour ce qui est des œuvres, en l'occurrence, des clips, qui ont marqués son esprit. Les voici, deux clips anciens (tout est relatif), et deux plus récents.

" C'est le premier clip que j'ai vu étant petite. En Italie, vers mes 5 ans. Ca passait sur MTV à l'époque. Ca m'a effrayé au début et fasciné après. L'univers que Michael Jackson apportait, le son en lui même, même si ça me faisait peur je voulais regarder. C'est devenu mon clip préféré quand j'étais enfant, c'est important pour moi de mettre ce clip dans cette sélection. " " Dans ce clip Alessia est entourée de plein de monde. Elle les connaît et ils la connaissent mais elle ne se retrouve pas dans ces gens là. Elle parle avec eux mais a l'impression qu'ils ne vont pas la comprendre. Ils vont juste voir son aspect extérieur, pas intérieur. Ce qui fait que je me retrouve énormément dans ce clip et dans ces paroles, d'où mon choix de l'inclure dans cette liste. J'ai l'impression, autant maintenant qu'avant, que quand je m'exprime, on ne comprend qu'une partie de ce que je veux montrer. Que ce soit musicalement, vestimentairement, ou dans une discussion. Souvent on me donne une image superficielle. Donc je dois parler, m'exprimer pour enlever cette image. Ca fait écho à ce clip. " " Pour Hope ce qui me plaît c'est l'esthétique. La colorimétrie, Puff Daddy, les costumes, les gars qui descendent la colline ... C'est simple, efficace. C'est une masterpiece ! " " Ce qu'on retient dans Neo Surf c'est son univers, c'est la diversité : chacun des trois personnages du clip est issu d'un continent différent. C'est très intéressant. 070 Shake je l'ai connu avec son premier freestyle, " Glitter ". Je me suis dit " Mais c'est quoi ce délire ? ". Elle a une voix qui sort du lot et un monde unique. "

Je vous l'avais dit. Avec Biaziouka vous êtes face à un bijou. Un bijou qui reste à polir, qui n'a pas encore dévoilé tout son éclat, son potentiel, mais comme je le disais au début de ce papier, un bijou qui est bel et bien là, dans le présent. Tout de suite maintenant, on a sa musique à écouter et à moins d'y être subjectivement insensible, on ne peut qu'adhérer. Ne vous fiez pas uniquement à l'apparence, aussi plaisante soit-elle, écoutez et comprenez Biaziouka et ce qu'elle a à vous partager et allez au-delà de cette image faussée qu'on lui colle si souvent, à tort. Bonne écoute !

Si tu veux avoir une meilleure idée de l'univers visuel de Biaziouka, clique ici

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