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Quelques poèmes en prose de Julien Boutreux

Par Etcetera
Quelques poèmes en prose de Julien Boutreux

J’ai trouvé ces quelques poèmes en prose dans le recueil Vous qui rampez sous ma peau, paru en novembre 2020 chez les éditions du Contentieux.

Dans ce recueil très original, Julien Boutreux passe en revue les diverses créatures de son bestiaire personnel, en général de petites bêtes plus ou moins urticantes, que l’on peut interpréter diversement selon ses propres phobies persistantes ou anxiétés passagères.

Un recueil qui ne se prive pas de nous démanger les méninges, en jouant avec les mots et en se jouant de nos perceptions épidermiques !

J’ai apprécié particulièrement les magnifiques descriptions de ces animaux, comme des peintures hyperréalistes, qui m’ont parfois évoqué le Parti Pris des choses de Ponge, avec un sens de l’observation et un pouvoir d’évocation très frappants.

Julien Boutreux (né à Tours en 1976) a publié des poèmes et nouvelles en recueils collectifs et en revues web ou papier. Il vit dans la région tourangelle.

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Page 19

Crabes

crabes aux yeux bleus crabes épineux dans vos carapaces grises, rouge vif dans les cuves bouillonnantes où vous mourez, vivants dans l’odeur de mer viciée, vivants dans la senteur âcre dans le vert des noyés, ô crabes au ventre ouvert ô chair ferme et luisante enfouie dans huit longues pattes, crabes aux yeux bleus crabes épineux, vous ambre grise et corail, vous chair intense et blanche immaculée, ô bleu gris qui vivez ô rouge vif qui mourez ô ventres ouverts ô chair, chers yeux de crabes gris, si bleus qu’on vous mangerait.

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Page 35

Lézards

lézards d’argent bleu de gris mercure et de bronze vert, je vous devine tapis dans l’herbe et vous observe glisser sur la pierre, morts ou vifs vous frétillez comme des gardons dans une eau claire, lézards d’argent bleu de gris mercure et de bronze vert, je vous vois happer l’air d’une bouche molle désespérée par l’asphyxie perpétuelle de la canicule et dans la lumière de plomb vos couleurs sont métalliques, vous êtes les rejetons difformes du soleil, vous êtes le minerai des fissures, vous êtes l’esprit des murs la fonction caudale des pierres, lézards ô pièces d’orfèvrerie voilà tout ce que j’ai su dire de vous du trait que vous faites dans l’herbe et sur la pierre, de ce vif-argent que vous êtes

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Page 39

sur le sujet des mantes sacrées nul ne s’étendra, car en face de ce vert divin, de cet oxymore immobile et fulgurant, de cette majesté monstrueuse et de cette dévoration ultime, tous tremblent, tous s’inclinent et tous se taisent

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Page 51

Salamandres

votre peau noire et jaune et le feu que vous couvez, salamandres toxiques ô pièces d’or dans un coffre d’ombre mausolées vifs de flammes moribondes, si je les vois et les trouve je les veux, votre méandre et votre cendre urodèle, et puis la braise venimeuse la gemme noire l’amande humide de vos yeux

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