L'heure hybride, de Kettly Mars (éd. Mémoire d'encrier - collection Legba)

De cinq heures trente cinq à huit heures trente. Nous n’accompagnerons pas Rico L’Hermitte chez Patrice. Nous l’écouterons raconter sa soirée et sa nuit de la veille chez Patrice. Pour bien comprendre ce qui lui est arrivé, il doit nous parler de sa mère, de son amour pour sa mère, morte quand il avait dix-sept ans. Il doit parler de la pauvreté : « l’objectif essentiel est de fuir la pauvreté par tous les moyens. Ne pas renier la pauvreté, mais l’éviter. » Son nom lui fait une petite place dans l’ombre des bourgeois qui ne savent pas vraiment de quel milieu il vient. Le récit de Rico nous fait découvrir un Port-au-Prince que les riches ont déserté, dont ils habitent un quartier d’où ils peuvent « regarder la misère de haut ». Une ville qui, la nuit venue, tangue entre drogue, alcool et sexe dans des lieux connus des prostitué.e.s où il s’agit de « lever le gibier ». Rico sait y faire, séduire des femmes qui l’entretiennent. Il est tellement beau, approche des 40 ans, se regarde volontiers dans son miroir. Mais aujourd’hui, il doit affronter la violence d’un désir qu’il n’avait jamais connu et qui, pense-t-il, le saisira à nouveau la semaine prochaine chez Patrice.