"Ces juges doivent partir", dit le gros titre
en citant l'un des slogans des manifestants
dont la foule occupe ici Plaza Lavalle, devant le palais de justice
En haut, le nouveau chef du groupe kirchneriste
à la Chambre des Députés
Il remplace le fils de Cristina Kirchner,
qui a démissionné parce qu'il rejette l'accord avec le FMI
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Vivement indisposées par la tendance difficilement contestable des quatre juges qui, à eux seuls, forment actuellement la Cour suprême à tomber du côté où ils penchent, c’est-à-dire à s’efforcer de pourrir la vie de l’actuel exécutif fédéral, des foules ont répondu à divers mots d’ordres d’organisations politisées péronistes (kirchnéristes) à manifester hier dans la capitale fédérale et les grandes villes partout dans le pays.
Ces manifestations ont connu un
indéniable succès, même si les quotidiens de droite sont discrets
sur le sujet (il faut sérieusement fouiller les sites pour les
trouver, même pour les quotidiens qui ont réservé une petite place
à ce sujet sur leur une du jour). Voilà un bon moment qu’ils
dénoncent ce qu’ils estiment être un acte anti-démocratique. On
a même lu qu’il s’agissait d’une tentative de coup d’État,
rien que ça !
En position principale : le remplaçant de Máximo Kirchner
à la tête du groupe de la majorité présidentielle à la Chambre
La manifestation est traitée en haut à droite, en bleu
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En fait, la Cour suprême ne compte plus que 4 magistrats, tous nommés par la droite, et ce n’est pas assez, surtout pour la masse des dossiers qui remontent jusqu’à eux, souvent pour faire traîner les affaires. Actuellement, ces juges suprêmes sont quatre hommes d’âge mûr et issus du même milieu social. Comme aucune limite d’âge ne leur est opposable, ils sont là pour un bon moment. Ils n’ont aucune intention de quitter leurs fonctions. Or le président Alberto Fernández va avoir du mal à nommer quelqu’un pour remplacer la magistrate qui a pris volontairement sa retraite à la fin de l’année dernière. En effet, il n’a plus la majorité au Congrès qui doit valider les nominations. Les manifestants ont donc exprimé leur hostilité par des accusations graves (corruption, prévarication) et des insultes franches.
Il se trouve que l’on vient de
découvrir que lorsqu’elle était au pouvoir, de 2015 à 2019, la
droite (droite libérale avec l’appoint du parti radical), qui
dispose d’une courte majorité au Sénat national, n’hésitait
pas à créer de toutes pièces des dossiers pénaux pour faire
condamner les animateurs de la gauche de gouvernement, syndicale et
politique. La gauche soupçonne depuis toujours que c’est ainsi que
la justice fonctionne non seulement en Argentine mais dans beaucoup
de pays de la région. Pour se convaincre que tel est bien le cas en
ce moment, il suffit d’examiner la manière dont les dossiers
judiciaires ont été montés et conduits contre des personnalités
comme Lula au Brésil, Correa en Équateur
ou Cristina Kirchner en Argentine. Certaines preuves présentées
devant les tribunaux sont les unes peu convaincantes, les autres
absurdes et quelques unes seulement relèvent de la réalité pénale
(dossiers López ou Jaime par exemple en Argentine). Le mécanisme a
été complètement et officiellement mis à jour au Brésil dans
l’affaire Lula, désormais reconnu innocent et bientôt candidat
ultra-favori à la prochaine élection présidentielle.
La manifestation est annoncée dans la colonne de droite
C'est le titre central
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Depuis quelques semaines, les
Argentins ont trouvé à leur tour les preuves incontestable de ce
système sous la forme d’une vidéo d’une réunion complotiste
entre des membres d’un gouvernement provincial de droite et
certains représentants du patronat, le tout dans les locaux d’une
banque équipés de caméras dissimulées dans les plafonds par les
services de renseignement fédéraux, placés sous les ordres d’un
président lui-même de droite qui se méfiait de la charismatique
gouverneure de droite qui aurait pu devenir sa concurrente. Qui plus
est, le pays voit s’accumuler des affaires plus graves les unes que
les autres sur cet ex-président (Mauricio Macri), objet de plaintes
et de mises en cause pour toutes sortes d’agissements ayant tous
pour objectif ou conséquence délibérés la dégradation (voire la
destruction) du fonctionnement de l’État de droit :
opposition bloquée ou discréditée par des poursuites
artificielles, détournement d’argent public au profit d’intérêts
privés, en particulier ceux de la holding familiale, mise sous
écoute illégale, hors de toute procédure judiciaire, d’opposants
(des élus, des artistes, des syndicalistes, sa propre sœur, l’un
de ses cousins germains) et de plusieurs parties civiles ayant perdu
un conjoint, un parent, un enfant lorsque le sous-marin ARA San Juan
a disparu en mer au cours d’une mission.
La manifestation a droit ici à la photo principale
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La manifestation d’hier, en plein été, semble donc montrer que la gauche ne s’est pas laissé décourager par la défaite sévère subie en novembre aux élections de mi-mandat. Le covid et l’inflation ont beau se liguer contre elle, elle est loin d’être démobilisée. De plus, en dépit des désaccords qu’il provoque et qui, depuis lundi, éclatent au grand jour au sein de la majorité gouvernementale, le récent accord obtenu par le ministre de l’Économie avec un FMI qui a enfin renoncé à son habitude de détruire les économies de ses créanciers pourrait bien rassembler son électorat. C’est sa partie militante qui s’est sans doute mobilisée hier dans les rues des grandes villes. Cela suffira-t-il à vaincre les résistances classistes, historiques et idéologiques des membres de la Cour, à assainir le système judiciaire pour en faire une vraie branche de la démocratie argentine, dans une authentique séparation des pouvoirs ? C’est loin d’être gagné !
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller plus loin :
lire l’article de La Prensalire l’article de Clarínlire l’article de La Nación