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Un si joli nulle part – Alexis Schaitkin

Publié le 07 février 2022 par The Cosmic Sam @thecosmicsam

Je remercie chaleureusement les Editions Les Escales pour l’envoi, avant sa sortie officielle en librairie, de « Un si joli nulle part », le premier roman d’Alexis Schaitkin. Et quel premier roman !

Je commence 2022 en beauté avec un premier coup de coeur. J’ai pris un plaisir fou à découvrir cette histoire et le style de l’autrice. Si vous avez raté la dernière édition de « Mes citations littéraires préférées », je vous remets le lien ici, vous y retrouverez de nombreuses citations tirées de cette lecture, elles vous donneront une petite idée de la plume d’Alexis Schaitkin.

Le livre : « Un si joli nulle part » (ici)

Un si joli nulle part – Alexis Schaitkin

Crédit photo : L&T

L’autrice : Alexis Schaitkin est une autrice de nouvelles et d’essais publiés dans différentes revues américaines. Diplômée de l’université de Virginie, elle vit aujourd’hui à Williamstown dans le Massachusetts avec son mari et son fils. Un si joli nulle part est son premier roman.

Le résumé : « Hiver 1995. Richard et Ellen Thomas, accompagnés de leurs filles de dix-huit et sept ans, Alison et Claire, partent pour des vacances de rêve dans les Caraïbes. La famille Thomas arrive à quatre. Une semaine plus tard, c’est à trois qu’ils quittent ce si joli nulle part ; le corps d’Alison a été retrouvé sans vie. Des années plus tard, Claire croise par hasard Clive Richardson, soupçonné à l’époque d’avoir tué sa sœur. Cette rencontre ravive chez elle le souvenir douloureux de la tragédie. Elle se lance alors dans une quête de vérité qui tourne vite à l’obsession. Désormais adulte, elle porte un regard nouveau sur le drame et sur la personnalité de cette sœur dont elle n’a que des souvenirs d’enfant. Elle veut savoir ce qu’il est arrivé à Alison, mais également comprendre qui était cette jeune femme de dix-huit ans, belle, provocante et imprévisible. Alors que Claire fait tout pour gagner la confiance de Clive et comprendre ce qu’il s’est vraiment passé sur l’île paradisiaque, une étrange relation se noue entre eux. Claire n’est pas la seule à être hantée par son passé… »

Mon avis : « Un si joli nulle part » est une histoire tout à fait particulière. On y découvre, tout d’abord, une famille de la classe supérieure américaine : « le père », « la mère » (volontairement anonymisés dans la première partie du livre) et deux soeurs, Alison et Claire, la première étant aussi belle et populaire que la seconde est pâle, timide et effacée ; comme si toutes les couleurs avaient été distribuées à Alison et qu’il n’en restait plus assez dans la machine pour Claire.

Cette famille à qui tout semble réussir est un archétype de la famille aisée vivant dans une banlieue américaine cossue proche d’une grande ville, une vie de papier glacé.

Ils se rendent chaque hiver au soleil pour les fêtes de fin d’année et les îles des Caraïbes, qui servent de décor paradisiaque à leur vacances, finissent toutes par se confondre dans leurs souvenirs. Cette année c’est sur l’île de Saint-X, non loin de la Jamaïque, que la petite famille séjourne. Plus exactement dans le resort hôtelier « Indigo Bay ». Là, tout est fait pour que les clients vivent une expérience inoubliable. La plage privée est nettoyée aux aurores, le sable blanchi, les transats et parasols blancs déployés en croissant ouvert sur les eaux turquoises de la mer des Caraïbes. Jus glacés de Papa’s Mango et punchs sont servis à volonté aux hôtes. Les parties de voley beach, durant lesquelles tous s’observent et se jugent à demi-mot, s’enchaînent sur le sable chaud avant que ne sonne l’heure de déguster homards et langoustines sur les transats. Ces vacances de luxe sont bien sûr réservées à une certaine catégorie de la population et il n’est pas rare d’y retrouver collègues ou camarades de promo.

C’est cet étalage de réussite sociale, cette indifférence pour les locaux et, plus généralement, cette vie qui semble toute tracée qui exaspèrent Alison. La jeune femme, en pleine remise en question, rejette ce mode de vie sans aspérité visible et ce que dégagent ses propres parents. Alison est, en effet, à cet âge critique où « une jeune fille se coupe sur les échardes de son reflet et observe, tant décontenancée que fascinée, le sang qui se met à couler ».

Partagée entre ce qu’elle voudrait être et le confort auquel elle aspire, Alison poursuit une quête identitaire, cherchant « quelque chose de plus », sans savoir quoi. Elle désire s’émanciper de sa famille en attirant le regard d’hommes différents de ceux qu’elle rencontre habituellement dans sa banlieue chic ou sur les bancs de la prestigieuse université de Princeton. Elle se tourne, alors, vers les locaux.

Expérience de jeune bourgeoise qui veut se faire « un frisson » le temps des vacances ou véritable passion ? C’est en tout cas ce que tout le monde va se demander lorsque Alison disparaît mystérieusement la veille de son départ. Son corps sera retrouvé quelques jours plus tard sur la petite île de Faraway Cay que les habitants disent, superstitieusement, maudite.

A défaut de machine judiciaire, c’est la machine à cash qui se met en branle : visites guidées de l’île sur laquelle on a retrouvé le corps sans vie de la jeune femme, émissions de télé et livres « true crime ». Tout semble être déformé, réapproprié par d’autres dans une étrange fascination morbide.

On retrouve Claire, la petite soeur d’Alison, des années plus tard à New York. Elle a appris à vivre avec cette disparition mystérieuse qui lui a d’ailleurs permis de se façonner une autre personnalité, une aura tragique. Sa vie va également prendre un tout autre tournant lorsqu’elle tombe, par hasard, sur l’un des principaux suspects dans l’enquête sur la mort de sa soeur. Elle va alors tout faire pour se rapprocher de cet homme afin d’en savoir plus. Obsession qui va s’avérer risquée, la vérité n’étant pas toujours ce que l’on croit (ou espère)…

Alexis Schaitkin donne, de façon très crédible, voix à plusieurs personnages. La dimension psychologique est extrêmement présente dans ce roman et tant les protagonistes principaux que les personnages secondaires, affectés d’une façon ou d’une autre par la mort d’Alison, sont très travaillés, tout en nuances, ce qui est appréciable. On ne tombe pas en pâmoison devant Alison, contrairement à ses contemporains. C’est même plutôt l’inverse car Alison s’avère parfois insupportable, imbue d’elle-même et très (trop) critique envers ses parents. Puis, on se souvient qu’en dépit de cette mystification que lui procure une mort tragique, elle n’est qu’une adolescente en pleine pseudo crise existentielle (on se rappelle alors nos propres journaux intimes adolescents lorsque tout nous semblait si intense et profond).

Alexis Schaitkin aborde plusieurs thématiques dans ce livre dont celle des différences de classes, du privilège blanc et de la vie sur ces îles Caraïbéennes façonnées autour de la manne financière du tourisme, au détriment des habitants qui, pour la plupart, vivent dans des conditions précaires. Des îles dont on évoque le nom sur les affiches publicitaires lorsqu’il est question de vacances mais dont on ne parle pourtant jamais aux informations…

Naturellement, le deuil et la reconstruction constituent une autre toile de fond à cette histoire. Le tout étant amené de façon subtile, ce qui est plutôt remarquable pour un premier roman.

Il est assez difficile d’en dire davantage sans dévoyer l’intrigue psychologique (parfois à la limite du thriller comme il est dit sur la quatrième de couverture) de ce roman. Je peux, en revanche, vous dire qu’il s’agit d’un réel coup de coeur. Je vous recommande donc vivement de découvrir ce livre qui sort des sentiers battus. Alexis Schaitkin est assurément une autrice à suivre…

J’espère vous avoir donné envie de découvrir ce beau roman ! Et vous, avez-vous déjà fait de jolies découvertes littéraires en ce début 2022?


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