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John Clare – Je suis

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Je suis – mais qui je suis, nul ne sait ou s’en soucie ;
Mes amis me délaissent tel un souvenir vieux :
De mes propres souffrances je me rassasie –
Elles enflent et meurent dans un essaim oublieux
Comme les ombres de nos affres amoureuses –
Et pourtant je suis et je vis – ballotté, vaporeux,

Dans le vaste néant du mépris et du bruit,
Dans l’océan vivant des rêves éveillés
Sans le moindre bonheur et sans la moindre vie,
Que le naufrage seul de mes vies estimées ;
Et même les êtres que j’aime, les êtres chers,
Me sont devenus étrangers – et je les perds.

Je rêve de lieux ou nul homme n’a marché,
Où nulle femme encore n’a souri ni pleuré,
Ainsi là avec Dieu, toujours, y demeurer,
Et rêver tel qu’enfant doucement j’ai rêvé,
Serein et calme, couché dans un songe éternel,
L’herbe en dessous – par dessus, l’arche du ciel.

*

I am

I am — yet what I am, none cares or knows;*
My friends forsake me like a memory lost:
I am the self-consumer of my woes —
They rise and vanish in oblivion’s host
Like shadows in love-frenzied stifled throes
And yet I am, and live — like vapours tost

Into the nothingness of scorn and noise,
Into the living sea of waking dreams,
Where there is neither sense of life or joys,
But the vast shipwreck of my life’s esteems;
Even the dearest that I love the best
Are strange — nay, rather, stranger than the rest.

I long for scenes where man hath never trod
A place where woman never smiled or wept
There to abide with my Creator, God,
And sleep as I in childhood sweetly slept,
Untroubling and untroubled where I lie
The grass below — above, the vaulted sky.

***

John Clare (1793-1864) – Traduit de l’anglais par François Holmey.


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