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Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 5 - Le Chippendale) - Fragment 22-23-24

Par Blackout @blackoutedition

Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV, L'ESPRIT SLAVE

Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 5 - Le Chippendale) - Fragment 22-23-24

Photo de Simon Woolf

Saison 5 : Le Chippendale

Fragment 22

La danse orientale utilise habilement le voile dans un jeu de pudeur exhibitionniste où l'on cache sa nudité pour mieux dessiner les courbes du corps. On donne à voir en dissimulant, on souligne la silhouette en la recouvrant, on dévoile en voilant. Il s'agit d'un plaisir exacerbé par la discrétion et la retenue... tout ce que Bernard ne pourra jamais piger, car il ne prend son panard qu'avec des étalages tapageurs, introduits par un de ses fameux : « Faut que je te raconte un truc, un dossier qu'envoie du lourd, mais tu dois jurer de ne rien dire à personne. »
Il me sert la même soupe devant le buffet au fond du jardin : « Faut que je te raconte un truc hallucinant Kalache, un dossier qu'envoie du lourd, mais tu dois jurer de ne rien dire à personne. » Évidemment, je lui réponds qu'au point où j'en suis, j'en ai pas grand-chose à carrer... sauf que cet abruti ne se démonte pas et m'avoue qu'il se tape la stagiaire d'anglais du collège : une gamine de vingt-trois ans qui fait fantasmer tous les gros cons de profs qui puent.
Le pire dans tout ça, c'est que le mufle est tout fiérot de me raconter la fois où il l'a cartonnée derrière un projo qui diffusait le biopic de Mussolini à une classe de troisième... C'est même devenu un jeu pour lui : la limer dans tous les coins et recoins du bahut.
Sidéré, je promets de lui dévisser la tronche s'il défouraille dans ma salle. Puis je rejoins sa femme attablée en terrasse, qui glousse en me voyant arriver :
Ah Kalache ! Hihi ! J'aimerais pas être à la place de ta femme... On peut dire que t'as pas froid aux yeux, mon cochon !
C'est pas comme si je la trompais...
Non, mais tu joues quand même au con. Si je découvrais que le père de mes enfants, professeur certifié dans la vie, donnait dans le strip-tease à ses heures perdues, ce serait le comble de l'humiliation. Je lui ferais mordre la poussière, ah ça, c'est certain !
Tu sais quoi, Sonia ?
Non ?
Tu devrais plus sérieusement t'intéresser à la vie de Mussolini.

Fragment 23

Comble du délire, Sonia me demande de rempiler pour une de ses cousinades. Bernard soutient que j'ai ça dans le sang, que tout le monde me voit gogo d'agence dans la vie. Le gros m'assure avoir les moyens de me dégoter deux contrats par mois ! Et Sonia fait briller son carnet d'adresses.
Enfin voilà que mes deux agents de caniveau me rejouent le refrain des « 100 balles pour 5 minutes de taf, ça se refuse pas », d'autant plus si l'occasion se représente mille et une fois. La vérité, c'est qu'un anéantissement de ma notoriété rehausserait la leur... et que scier mes barreaux leur ferait monter leur propre échelle.
À cran, je me lève et balance avant de foutre le camp :
J'vous préviens : vous avez une semaine pour me filer mes cent balles ou je vous rejoue la fusillade de Giulino di Mezzegra !
La quoi ? fait Sonia d'un air amusé.
L'exécution par arme à feu de Benito et de sa maîtresse Clara. Bernard est prof d'histoire, il t'expliquera...
Sur ces mots, j'arrache mon sac et fend l'air vers la sortie. Le mec en costume d'ours essaie de me prévenir d'un danger, mais je fonce tête baissée à la belle étoile... où je me fais serrer comme une châtaigne par les deux flics en faction :
Qu'est-ce que vous me voulez ? J'ai rien à me reprocher !
Par l'article 62-2 du code de procédure pénale, dans le cadre d'une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire et sous le contrôle de son autorité, nous vous plaçons en garde à vue.

Fragment 24

La 208 m'embarque et se carre dans le trou du cul de la nuit. Les deux gorilles à l'avant ne cassent pas le morceau. J'ai beau leur répéter quinze fois qu'ils sont dans l'obligation légale de m'énoncer les faits qui me sont reprochés, ils ne prennent pas la peine d'user leur salive.
À la sortie du village, au lieu de prendre la nationale en direction de Vesoul, on emprunte une piste forestière réservée aux engins sylvicoles, un layon barbouillé d'épicéas qui débouche sur une clairière, avec un tas de panneaux métalliques, une caravane lépreuse et la forêt de conifères à perte de vue... ça me rappelle des scènes vécues dans les Carpates, que j'aurais préféré laisser dans la boîte à oublis.
Tandis que le chauffeur coupe le contact et bidouille son smartphone, son complice me sort de la caisse avec un Sig Sauer GSR sur la tronche. Un putain de calibre 22 d'entrée de gamme pour mamies... m'enfin ça fait le taf, malgré tout.
Devant le marchepied de la roulotte, le porte-flingue me pistonne le crâne afin que je marque un arrêt. Du coup je lui balance crânement :
Kestu veux, connard... que je m'essuie les pieds avant d'entrer ?
Non, je veux que tu te foutes à poil.

Et puis que tu t'essuies les pieds avant d'entrer.

Richard Palachak

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