Femmes en rupture de ban, d'Abdelmalek Sayad (éd. Raisons d'agir)

C’est dans le livre de Kaoutar Harchi que j’ai lu le nom d’Abdelmalek Sayad, un sociologue (1933-1998) dont elle dit que ses entretiens et ses travaux l’ont aidée à sortir de la honte et à se mettre à écrire. Il y a peu de temps, les éditions Raisons d’agir ont publié deux entretiens jusqu’alors inédits d’Abdelmalek Sayad.
J’ai lu le premier de ces entretiens, où le sociologue écoute la parole d’Ourida, une Algérienne née en 1936 et décédée en 1995, ayant vécu, enfant, à Tunis tandis que son père était en prison, en 1945, en Algérie, et venue en France, à Nanterre, au début des années 1960. Elle milite très tôt au FLN et fera de la prison en France après la manifestation d’octobre 1961. Mais les combats d’Ourida ne se limitent pas aux questions liées à la colonisation ; elle refuse toute forme de domination, qu’elle soit masculine (elle tient tête au collectif des hommes qui veulent lui imposer leur ordre), patronale (on la voit, ouvrière, à l’initiative d’un syndicat dans l’entreprise où elle travaille), policière (son franc parler déroute les policiers). Ce sont d’ailleurs pratiquement toujours des hommes. Elle évoque une forme de solidarité permettant aux femmes une organisation sociale relativement indépendante de leurs maris. Le portrait de cette femme est d’autant plus saisissant que le sociologue est véritablement à son écoute : c’est elle qui parle, à la première personne, qui analyse sa situation, qui exprime ses revendications.