Magazine Culture

LES LECTURES DE GANGOUEUS : 100 épisodes

Par Gangoueus @lareus
LES LECTURES DE GANGOUEUS : 100 épisodes

En juin 2012, nous avons lancé un pilote d'une émission littéraire intitulée Les Lectures de Gangoueus. Après plusieurs rencontres sur différents événements culturels avec Guy Padja, que ce soit chez Afriqua Paris de Penda Traoré et Astou Camara ou aux fameuses rencontres d’encre et d’exil de Beaubourg… Suite à une grande conférence organisée par le thinktank l'Afrique des idées en partenariat avec l’Observatoire de la diversité culturelle (Les Lilas), nous avons évoqué Guy et moi la possibilité d’une émission littéraire sur sa webtv...

Aventure

La première a été réalisée en juin 2012 avec l'écrivaine comorienne Touhfat Mouhtare qui, à l’époque, avait publié sa première oeuvre littéraire, un recueil de nouvelles extrêmement touchant intitulé Âmes suspendues (aux éditions Coelacanthe). Cette première expérience nous a rassurés sur plusieurs points. Le concept permettait au propos de Touhfat Mouhtare, primo-romancière, d'être développé avec aisance, avec les lectures de Dominique Yoro-Depri. Le choix de 52 minutes tenait la route. Ce dernier point a fait l’objet de passionnantes discussions dans la phase de conception et tout au long de la première saison. Etait-il pertinent pour une émission web d'être construite sur un format aussi long ? Dans la discussion, la posture de Guy Padja, réalisateur vous surprendra peut-être. Mais, c'est avant tout lui qui a défendu l’idée du format long avec le discours suivant : l'internaute pressé aura droit à une présentation du roman par le critique en début d’émission. Le lecteur face à son écrivain préféré ou l’universitaire qui a besoin de billes pour son travail ira jusqu’au bout de l’émission. Vous comprenez le privilège absolu que j'ai de pouvoir collaborer avec ce cinéaste camerounais. 

Privilège

C’est un luxe d’avoir autant les coudées libres sur un projet audiovisuel, quand on imagine le coût en temps d’une telle démarche. En dix ans d’émission, Sud Plateau TV ne m’a imposé aucune lecture. Je choisis librement les écrivains. Jeunes auteurs ou écrivains confirmés et établis sur la place francophone. Femmes/ Hommes. Blancs/Noirs. Autoédité/édité à compte d’auteur ou à compte d’éditeur. Libre. On a choisi de mettre en valeur des discours portant sur les cultures du Sud (ce qui est aussi la ligne de Sud Plateau TV) : Afrique, diaspora africaine, regards sur les mondes Afro, etc. Les lectures de Gangoueus sont donc un moment de liberté, un kiffe. Pourtant, ce n’est pas simple. Le travail de Guy Padja est énorme comme réalisateur, monteur avec des intervenants qu’il interviewe sur toute l’Ile de France. Le mien, en amont, n’est pas évident non plus puisqu’il y a toute la démarche de sélection des oeuvres à travailler, la relation avec les éditeurs et la mise à disposition des oeuvres auprès des intervenants et tout le travail de programmation. Avant la préparation technique de l’émission, tout cela étant fait à mes heures perdues, puisque je suis consultant IT en semaine. 

Intervenants

L’ambition de l’émission est de mettre le livre au coeur de la discussion. L’écrivain, le critique, les lecteurs commentent l’ouvrage. Il y a un risque dans cette démarche. Ne pas chercher chez l’écrivain, dans sa vie privée, dans ses postures publiques, suffisamment d’éléments permettant la compréhension de son travail. En regardant les écrivains sur certains plateaux télévisés au moment du démarrage de l’émission, le livre paraissait un accessoire, un prétexte pour être à l’écran, au grand dam des écrivains. La richesse du concept vient aussi de la pluralité des regards sur une oeuvre. Une communauté de lecteurs puisés sur les premières saisons au sein des Palabres autour des arts, de certains lecteurs du blog littéraire comme Cédric Moussavou, des écrivains… Je pense à la critique congolaise Liss Kihindou qui, de manière étincelante, a accompagné le lancement des premières émissions. J'aimerais faire référence également à la journaliste Anaïs Heluin qui a nourri les deux premières saisons de ses analyses complètes tranchantes, à Ramcy Kabuya qui nous proposa des vibrations étonnantes sur les oeuvres littéraires analysées sur la saison 4, aux sept critiques littéraires érudites de Mohamed Mbougar Sarr révélant la capacité de l’écrivain sénégalais à se plonger dans l’univers d’autres auteurs et à défricher en profondeur et humilité les ressorts d’une oeuvre. Que dire de Ralphanie Mwana Kongo : complète, tranchante, élégante dans ses explorations… Il y a les brotha et les sista de toujours dont l’ossature a été puisée dans Les Palabres autour des Arts, je pense et je remercie Joss Doszen, toujours prêt, après dix ans de collaboration à proposer ses analyses ou encore Cédric Moussavou, lecteur impliqué et fidèle sur l'émission Les Lectures de Gangoueus. Je n’oublie pas Zacharie Acafou, empêcheur de tourner en rond, secoueur de cocotiers, critique littéraire passionné et dérangeant.
Il y a aussi la caution des universitaires que je veux souligner ici. La collaboration avec La Plume francophone a été de ce point de vue très riche soit par le relais de nos émissions littéraires directement sur leur site, ou par l'expertise apportée aux émissions par Celia Sadaï, Virginie Brinker ou Ali Chibani. Je citerai également mon aîné Boniface Mongo Mboussa. Nous essayons de proposer, sur l’aspect de la présentation de l’oeuvre, à des influenceurs comme Chrystelle Ngoulou (Totanga) ou Ahmed Bah (King Kunta) d'enrichir le projet sur le plan esthétique…

Lectures

Permettez-moi, de citer les lectrices qui se sont prêtées à l’exercice périlleux de lire des  : Dominique Yoro-Depri naturellement, Mariam Diop, Karine Delamotte, Patricia Bakalack ou Aurélie Myself pour celles qui ont accompagné plusieurs saisons.
Le plus grand lot des intervenants reste les lecteurs posant des questions libres. Ils sont la garantie de la pluralité des regards sur une oeuvre. Ils justifient la dimension collaborative du projet. Celui d'une communauté de lecteurs autour d'oeuvres littéraires, qui célèbre, questionne, interpelle les écrivains. Elle porte l’originalité de cette émission où la prise de parole n’est pas accordée uniquement aux experts. Je pense à Cynthia, à Philippe, à Angela, à Baou, à Carmen ou à Eva, de grandes lectrices et de grands lecteurs… C’est  encore l’occasion pour Sud Plateau Tv et moi-même pour vous remercier pour ces collaborations bénévoles passées et je l’espère à venir.

Les écrivains

Dois-je parler des écrivains ou des oeuvres littéraires ? On peut parler des deux. Une première donnée : parmi les 100 épisodes de cette émission, 36 ont porté sur des premiers romans. Il y a une volonté à la fois de recevoir des auteurs confirmés, influents de l’espace francophone et de promouvoir des premières oeuvres littéraires. Parmi les primo romanciers, certains ont fait l’objet d’une très bonne réception dans le monde du livre (je pense à Elgas, Mbougar Sarr ou Jo Güstin). Pour d’autres, le retour des lecteurs est une possibilité d’analyse, d’introspection pour aller plus loin dans leurs projets littéraires. J’aimerais donner une deuxième information qui doit être prise en compte pour les émissions littéraires : le déséquilibre en terme de genre : 27% des oeuvres traitées ont été produites par des femmes. Il n’y a pas d’autres justifications que la facilité. Cela étant dit, je ne suis pas peu fier de la qualité des émissions réalisées avec des auteures confirmées comme Véronique Tadjo, Léonora Miano, Fabienne Kanor, Hemley Boum, Kidi Bebey, Khadi Hane ou Nafissatou Dia Diouf pour citer quelques auteures. La densité des discours vaut le détour sur des thèmes portant les politiques de santé publique, l’Afrique précoloniale et l’impact de la Traite négrière, le féminisme et le marronnage, les guerres de libération, l’intime familial, l’homosexualité... On l’entend aussi sur la première émission de Touhfat Moutare, des voix fortes qui vont s’affiner, mais aussi la complexité d’écrire quand on est femme, en particulier un moment consacré à Liss Kihindou. Un troisième point : La critique entre écrivains. On a essayé de proposer à des auteurs de s’exprimer sur d’autres oeuvres que les leurs. Je dois dire, sans citer que ce soit, que peu ont jugé comme valorisant de se prêter à cet exercice. Pourtant, à sept reprises, Mohamed Mbougar Sarr nous a proposé son avis sur des oeuvres littéraires. Je vous conseille de découvrir sa passion et son érudition à parler de poésie de Henri-Michel Yéré, son propos sur le lyrisme de Johary Ravaloson ou encore son analyse du primo romancier Landry Sossoumihen… J’aimerais saluer également l’écrivain et journaliste Emmanuel Goujon pour ses deux contributions précises, techniques.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Gangoueus 8178 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines