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Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 5 - Le Chippendale) - Fragment 30-31

Par Blackout @blackoutedition

Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV, L'ESPRIT SLAVE

Fragments de nuit, inutiles et mal écrits (saison 5 - Le Chippendale) - Fragment 30-31

Photo de Simon Woolf

Saison 5 : Le Chippendale

Fragment 30

Dans mon costume de parc d'attractions, je dois piloter la vitre latérale ouverte et ma tronche de peluche au dehors... en me payant les yeux patates des noctambules qui croisent mon char de festivalier Burning Man défoncé aux acides. À trente kilomètres-heure sur la nationale, j'ai fabuleusement l'air con. Les autres bagnoles me doublent à cor et à cri, à croire que je le fais exprès. Les jeunes klaxonnent et se marrent à s'en faire péter la jugulaire... et les vieux font des appels de phares pour m'avertir d'un incident technique, sans doute manigancé pour leur faire à l'envers. Arrivé au rond-point de Rioz, à mi-chemin entre Vesoul et les Deux-Auxons, je tombe sur le barrage de flics annoncé par le commissaire Jolie. Deux Berlingos bleu blanc rouge et leurs giros pétillant comme des spotlights de discothèque. Et pour donner plus de gueule à la fête, ils font gonfler des ballons et distribuent plein de cadeaux : des fiches d'immobilisation, des procès-verbaux et des invitations aux afters du tribunal correctionnel. Mais c'est l'arrivée du grand VIP qui tient tout le monde en haleine : Monsieur Sapin, l'unique et véritable, en chair et en os. Un feu d'artifice de pistolets taser et une piñata de matraques télescopiques ont été réservés pour l'occasion. Forcément, mon char de carnaval est direct alpagué par un moulinet de bras qui le rabat sur le bas-côté. Même pas le temps de ne pas être étonné, qu'on me carre un ballon dans la bouche et m'ordonne de souffler. Test négatif... - On coupe le moteur, on présente ses papiers et on sort du véhicule ? - Non. - Refus d'obtempérer ? - Non. - (…) - Je suis le fils du commissaire Jolie. Vincent Jolie, vous pouvez vérifier. - Vincent Jolie ? - Mon test est négatif et je suis en retard à l'anniversaire de ma copine. Zavez pas le droit de m'arrêter comme ça, j'vais téléphoner à ma mère ! - Attendez monsieur Vincent... - Jolie ! - Monsieur Jolie, pardon, c'est vrai que vous avez la même voiture que la maman... 'fin... - Zavez qu'à l'appeler ? - Non... si vous êtes vous, faudrait que je suis sûr de votre identité, a contrario quiproquo... - Vous m'emmerdez, j'vous dis de l'appeler ! - Négatif. - Bon ben, je l'appelle alors. - Ne faisez pas ça, monsieur Vincent ! - Jolie ! - Pardon, je suis confusionné... Monsieur Jolie. Veuillez circuler et transmettez les hommages respectueux de toute ma considération parfaitement respectueuse à votre maman... - Commissaire ! - Commissaire maman... pardon Vincent... 'fin j'veux dire Jolie ! - Je crois qu'il vaut mieux ne pas lui parler de vous... - Je croive aussi.

Fragment 31

C'est la panique à bord et je ne mouille pas le calecif pour autant... d'ailleurs, je n'ai plus de calecif... je n'ai plus de fringues, plus de bagnole et plus de clés... j'ai wallou... j'ai même paumé la Dacia du Frédo qu'a les couilles d'assumer qu'il pue, les 100 biffetons que je ne reverrai jamais, puis toute la quincaillerie de ma réputation. Cerise sur le gâteau, l'honorable Professeur Tokarev s'apprête à débarquer chez lui dans une Audi de condés, à poil devant sa femme sous un costume Disney, juste avant de se faire tondre à l'occasion d'un pogrom local... histoire de sauver l'ordre et la rumeur si chers aux abrutis. À quoi bon redouter ce qu'il est impossible d'éviter, sauf qu'un sentiment de panique m'envahit malgré tout, celui qui endure la perte de contrôle absolue, le ballottement dangereux du navire entre les récifs, l'imminence du naufrage sur la grève de la marginalité. Je me rendrai compte un peu plus tard, une fois sans logement, traîné devant les tribunaux, séparé de mes gamins jusqu'à la Saint Glinglin... que ma femme avait changé la serrure de toute façon... qu'elle avait prévu de m'entuber de concert avec mes amis depuis belle lurette... et que cette histoire de chippendale est drôle quand j'y repense aujourd'hui. Car ç'a été le premier pas délirant d'une de mes nombreuses morts, et la fécondation d'une nouvelle vie d'écrivain aussi, nourrie par un torrent diarrhéique inépuisable, écoulée d'une montagne de connerie.

Richard Palachak

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