Les éditions Le Castor Astral publient Les Épines rouges de Sophie Loizeau.
Extraits :
spinosissime l’aiguillon de la ronce
alors que l’eau froide n’est que
spinescente (vaguement épineuse) j’en suis là
de mes réflexions
à propos d’Ophélie
il faut le vouloir
pour espérer mourir de ces plaies
sa simple vue comme devant l’espadon
Ronce est mellifère
c’est sa douceur et la ponte
du bombyx
épine et aiguillon sont des ex
croissances mais la première désigne un
organe transformé (tige feuille stipule)
tandis
que l’autre a son origine sous la peau –
qu’on l’arrache et tout vient avec
Les épines persistent même après la mort même sèches
pour prévenir les accidents on a mis un mutant
du févier d’Amérique dans le parc
Paliure épine-du-Christ arbuste des
garrigues est pas mal mais la véritable couronne
d’épines provient de Robinier
elles naissent à la base de l’insertion du pétiole
j’élabore ma propre épine à la saignée
du coude et au bout la main s’évase
(pp. 11-12)
huit fois de suite rapporter
un objet du rêve
1/ une pièce de puzzle
2/ des bâtons d’encens ainsi
qu’une ampoule électrique
3/ un bonbon transparent avec son noyau et un peu
de pâte à cookies
4/ une mèche de cheveux blonds emmêlés
5/ une BD et une clé USB HS
6/ l’Intégral de Kôl à propos d’un petit robot dont le surnom en ia
s’est perdu
7/ un feuillet de trois pages photocopiées et un livre
d’images
8/ une pierre précieuse fluo verte et un bagage à main
des animaux du rêve
une martre un pigeon ramier
des passereaux reliques
bien vivantes
un faon
(p. 28)
manta manta manta et elle vient
du fond de Panthalassa portée
par ses grandes ailes
friches et sous le pin un éco
système de forêt
pénombreuse en effet par essence
Poacées autour
enlever les puce
rons à l’aide des pouces le long des tiges et sur
le bulbe du bouton
du miellat plein mes pouces ils font le travail des larves en
plus grossier de coccinelles moissonnant à eux deux
la force qui m’oblige – intenable le corps des roses
(p. 39)
D’une gangue qu’on m’amena j’étais
sûre d’extraire une jolie bête
sous la croûte
et les concrétions un lévrier à robe sombre –
du pétale
lèvres bleues de ce bleu de froid des vieilles
primevères
un Jack London-rêve et dedans un Redon :
je tombais à l’eau à cause du désir
d’approcher dans la neige au réveil le ciel
la neige l’attrait
de la rivières et pas de prises
molle
les ailes au corps
incapables d’essors Pégase en quoi je me muais
(dans un second
temps) par la magie de mon blanc
un Friedrich-rêve :
gorgé de vert un sentier
roulé sur lui-même comme une affiche et là-haut la roche
escarpée des ruines
d’arbres au-dessus du vide
(ceux sur pied
un feu immémorial les ronge
en élève
les fais croître autour appelées Xiphias
gladius (épée-épée) espèce à part ardente –
excessive
une foule de kachinas-Épines
garde la maison
rituel avec danse en secteur Ouest (automne)
pieds-nus dans des feuilles
de châtaignes en les craignant j’avise
la signalisation d’un monmoï
arbre remarquable je savais
avoir été rêveuse à Simiane
sans initiation j’étais passée entre les mondes.
(pp. 81-82).
Sophie Loizeau, Les Épines rouges, le Castor Astral, 2022, 136 p., 12€
sur le site de l’éditeur
Ce recueil ambitieux est une réflexion poétique sur l’art, la sexualité et la mythologie, avec une forte affirmation du féminin dans la langue.
À travers la présence de peintres et de sculpteurs tel que Redon, Sophie Loizeau ausculte les visions et les fantasmes. Elle mène une quête et s’attarde sur la représentation du corps des femmes dans la société et l’art. Par le biais de son écriture jubilatoire, les épines et aiguillons deviennent des griffes qui pourraient répandre des « flocons de viande ».
Elle dévoile également une poésie plus intime destinée à donner du corps à la langue. Elle s’attarde ainsi sur la vente de sa maison d’enfance devenue au fil des années refuge et lieu exclusif d’écriture.