Ceux qui ont vu Drive my car auront été sensibles à la réalisation de Ryusuke Hamaguchi. Son dernier film, Contes du hasard et autres coïncidences est un nouveau chef d'oeuvre de sensibilité, et ce n'est pas si fréquent, un hommage à la femme japonaise dont il célèbre la liberté.
Trois épisodes se succèdent, réinventant le triangle amoureux dans le premier, offrant dans le second une tentative de séduction qui ne se passera pas comme prévu et enfin dans le dernier des retrouvailles qui auront le parfum d'une nouvelle rencontre (mais on pourrait tout autant dire le contraire).
Le point commun entre Magie ?, La Porte ouverte et Encore une fois est la nécessité de faire un choix décisif pour la suite de sa vie. Et la décision appartient toujours à la femme.
Le réalisateur combine les mots et les images. Je ne serai pas originale en disant que ce travail évoque le cinéma d'Eric Rohmer. Pas davantage en pointant que le nombre de trois n'est pas anodin. Pourtant je ne suis pas certaine qu'il soit totalement signifiant puisque ces trois histoires ont été conçues comme les trois premières d’une série de sept ayant pour thème "coïncidence et imagination", qui est la traduction littérale du titre original Guzen to sozoC'est l'association de ces deux aspects qui est particulièrement réussie car l'imagination potentialise ce qui ne serait qu'un hasard, heureux ou malheureux qui pourrait passer quasiment inaperçu, ou en tout cas n'avoir aucune conséquence. D'autant qu'en matière de fantasme chaque personnage a sa manière d'interpréter les choses.Alors que Drive my car nous faisait traverser le Japon nous restons ici à Tokyo, dans une ville très urbaine dont les paysages ne prêtent pas au romantisme. L'essentiel des rêves est donc intrinsèque au cerveau des protagonistes qui sont confrontés à des choix de vie. Si bien que, même lorsque la scène a lieu en extérieur on se sent au coeur d'un huis clos. Y compris lorsque les deux jeunes femmes de Encore une fois se croisent en empruntant les escalators d'un centre commercial (lequel se situ à Sendai, au nord-est du Japon, où le réalisateur a vécu et dont il se souvenait d'une configuration favorable de croisement).
Ce sont les dialogues qui rythment le film. On a le sentiment qu'il ne se passe pas grand chose et pourtant le bouleversement est immense. Chaque mot pèse : Je ne fais que blesser les gens. j'ai l'impression d'être un produit défectueux … Ce qui est admirable c'est qu'on est entrainé dans le cerveau de chacune des trois héroïnes sans avoir envie de nous soustraire et de penser différemment. Du grand art de la part de ce réalisateur récemment oscarisé !Contes du hasard et autres fantaisies, en salle depuis le 6 avril 2022
Scénario et réalisation: Ryusuke Hamaguchi
Festival de Berlin 2021
Grand Prix du Jury