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(Note de lecture), Jean-Pascal Dubost, Phrases de la mort, par Jacques Morin

Par Florence Trocmé



Arton367Le titre est transparent et explicite. Il s’agit en effet d’un livre composé d’innombrables phrases au sujet de la mort. Phrases courtes, en deçà d’une ligne la plupart du temps. Avec quelques citations de spécialistes (Montaigne, Cioran, Schopenhauer…). Sujet unique, constant, inépuisable, éternel. Jean-Pascal Dubost l’aborde par tous les bouts sérieusement, ironiquement, philosophiquement. Parfois sous la  forme de listes quasi exhaustives, (avec des chiffres pharamineux quelquefois en plus). Ou une série de phrases qui riment… Paraphrases de proverbes, ou d’expressions toutes faites où le mot mort est mis à toutes les sauces comme joker absolu. Le lecteur est assailli par toutes ces entrées, piques ou constats et a parfois du mal à se poser l’œil sur l’une d’entre elles sans être emporté dans l’avalanche entraînante des phrases qui se succèdent torrentiellement. On goûte cependant en passant les paradoxes :
La mort, ce n’est pas aller au ciel, mais six pieds sous terre
Ou bien 
On nous prête vie, on se donne la mort.
Ou encore 
L’accouchement est l’expulsion sanglante d’un être vers la mort.
Ce peut être le côté social qui est mis en avant :
La mort, qui dépouille aussi les pauvres gens.
Avec cette opposition dans le même sens :
Les riches meurent et les pauvres crèvent.
Ou bien un peu d’absurde ou d’humour noir qui ravigote, en forme de lapalissade :
La mort, qui est la première cause de mortalité ou cette autre : Je serai présent à mes propres funérailles.  
(Avec celle-ci en écho plus loin : J’aimerais bien venir à mon enterrement.)
Cette dernière ? :
Mourir oblige l’homme à ne plus se regarder le nombril vu qu’il est allongé.
J’aime celle-là également dans le côté science-fiction et capital :
Un jour, une start-up vous vendra un séjour post-mortem. (- italique final troqué en romain).
L’auteur donne par avance quelques adjectifs pouvant le qualifier dans ce volume en particulier : pessimiste, nihiliste, funeste, néfaste, nocif…. En tous les cas, il a noirci cinq carnets et écrit quinze mois de long pour composer cet ensemble, véritable épreuve de force pour faire le tour définitivement approximatif de la question.
Le personnel des boutiques funéraires devrait posséder ce livre entre deux catalogues adéquats. S’agit-il d’une obsession, d’une monomanie presque inquiétante pour sa santé mentale et son équilibre ? Je pense exactement l’inverse : Jean-Pascal est dans l’âge où l’on peut traiter ce sujet épineux, grave, troublant avec le recul et la lucidité qui conviennent. Ce livre est une façon artistique de délimiter le problème et de le maintenir à distance, en sachant le connaître par cœur, de fond en comble et avoir anticipé le moindre détail pour pouvoir désamorcer la plus petite surprise. Toutes ses phrases de la mort sont autant de lignes de défense qui circonscrivent l’objet final.
On retrouve bien entendu le médiéviste dans les ajouts en fin de volume avec lai, envoi, où il devient vraiment acteur, final et coda. D’ailleurs François Boddaert en sa lecture post-facière replace Jean-Pascal dans cette lignée du Moyen Âge qu’il revendique et qui avait aussi mis au centre de l’écriture cette préoccupation existentielle.
Qui mourra, verra.
Jacques Morin

Jean-Pascal Dubost, Les phrases de la mort, Éditions L’Atelier contemporain, 208 p., 25 €, Dessins de Hervé Bohnert.


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