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(Anthologie permanente), Marielle Macé, Une pluie d'oiseaux

Par Florence Trocmé

Une-pluie-d_oiseauxLe chant des oiseaux comme celui de la vie qui se louerait elle-même, qui jouirait d’elle-même : voilà le legs du poème.

L’oiseau ne saurait être un thème en poésie. Il pose au poème la question du vivant, des façons qu’a le vivant de sonner et de se faire entendre ; il lui pose la question de la beauté, de la dépense, de la merveille, de ce que la beauté fait au monde et dans le monde ; il lui pose enfin la question de la voix, ou plutôt de « l’articulation d’une voix et d’une pensée », c’est-à-dire du langage, rien de moins.

sujets d’un battement incessant entre l’irai et le lointain, le familier et l’inappropriable.
l’oiseau ou la sauvagerie adorable.

Le « soudain » est sans doute le rythme temporel de l’oiseau, le rythme de son surgissement. Soudain l’oiseau, c’est la forme de sa venue, le rythme qu’il met dans le monde, sa façon de paraître et de créer une trouée.

(C’est d’ailleurs ce qui vient à la rencontre de notre regard : le sentiment que chacun s’ajuste, règle sa distance et sa vitesse, fendant, croisant, s’accordant, répondant, dans une fluidité merveilleuse, une pratique infinie du tact.)

La question, donc, ce n’est pas le langage ou le code, c’est la parole, le parler à, pour, parmi ; la réalité de l’adresse et la possibilité de sa réciprocité, c’est-à-dire aussi la considération de l’écoute et la possibilité d’une réponse, d’un entretien. Les phrases n’en sont que parce qu’elles veulent quelqu’un, parce qu’elles appellent et attendent quelqu’un, fût-ce un inconnu (un vide à qui parler, un vide dans lequel attendre une réponse.)

Comme si avec eux la langue s’était mise au défi de toucher au vivant (au vivant, aux vivants dans le monde), de faire quelque chose avec et parmi les oiseaux, de prendre l’air en se frottant à ces états de vie.

Se mettre à sa place (d’une bête) on ne le pourra pas. Mais justement, on doit essayer.

-Alors quoi ? – Alors écoute ce que te dit cet oiseau qui non-parle et non-chante, mais déploie ses signes à lui dans le paysage. »
Marielle Macé, Une pluie d’oiseaux, Corti, 2022, 378 p, 23 €
Choix d’Isabelle Baladine Howald


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