Notre solitude, de Yannick Haenel (éd. Les échappés)

Le procès des attentats de janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo, une policière municipale de Montrouge et le magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris, s’est ouvert le 2 septembre 2020 et aura duré près de deux mois et demi. Yannick Haenel a suivi, pour Charlie Hebdo, le procès de janvier 2015. Il a tenu, à la demande de Riss, une chronique quotidienne; Boucq, le dessinateur, a tenu, lui aussi une chronique dessinée. Leurs comptes-rendus quotidiens ont donné lieu à une publication aux éditions Les échappés.

Notre solitude, chez le même éditeur, n’est pas le compte-rendu du procès. C’est, quelques mois plus tard, un retour de Yannick Haenel sur l’expérience qu’il y a vécue et la réflexion qu’elle a provoquée : quel est le rapport de la justice et de la parole ? l’importance de la littérature pour la vérité ? le poids du mal et ce qu’il faut de lumière pour sortir de l’obscurité.

Pour cela, il cite les complices et les survivants. Il parvient à dire où est la culpabilité et à faire entendre le récit, les récits. Ce n’est pas facile, c’est douloureux, et c’est sans fin. Il écrit qu’il faut des témoins et des témoins de témoins. C’est la parole qui « empêche le crime de régner sur le monde ». J’ai terminé la lecture de ce livre en écoutant la musique de Keith Jarret citée vers la fin du livre. Et je repensais à ces mots : la faiblesse est capable d’empathie, tandis que la puissance ne l’est pas, et l’innocence délivre. C’est cette « éthique de la parole » qui mène ce livre remarquable dont je ne sors pas comme j’y suis entré.