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7 secondes pour Marnie

Publié le 11 août 2008 par Philippe Di Folco
7 secondes pour Marnie Du toit de l’immeuble, proviennent de stridents cris de corbeaux – tout dépend du nombre d’oiseaux : "trois c’est bien, huit c’est la mort" [dixit ma grand-mère]. Sept heures trente deux, ce matin d’août. Le corps de Mahmoud Darwich vole vers Ramallah. Hier soir, je regardais pour la troisième fois, Marnie d’Alfred Hitchcock (1964, DVD), dont le titre français – Pas de printemps pour Marnie – exprime assez bien l’idée générale du propos : au-delà de la diégèse, Marnie, qui échappe à la prison, à l’incarcération, à l’asile, prend, à Baltimore, le chemin portuaire d’une autre prison, celle du couple. D’une prison l’autre, d’un hôpital l’autre, d’un chambre d’hôtel l’autre, Marnie, consœur mais non martyr, enfance souillée, sans caresse mais cavalière, se résigne au couple. « Il faut prendre soin de nos enfants… ». Parfois, souvent à vrai dire, j’entends cette phrase que je confie à la mémoire de Golda Meir ; ou bien est-ce : « Nous devons prendre soin de nos enfants… », elle-même faisant écho à l’avertissement final de M le maudit (F. Lang, 1931) : « Et vous, faites très très attention à vos enfants ! ». Ce matin, l’écrivain Jean-Charles Masséra inaugure sa semaine de revue de presse sur France Culture avec toute la finesse que je lui ai connue en 1997 : il parle des femmes patronnes, et conclue sur « rien encore ce matin décidément sur la division et la répartition des sexes dans le milieu patronal ». Tout ça, les cris de corbeaux, Hitch, Darwich, les enfants, les patronnes se mélange dans ma tête et me ramène au hitchkoaléisdoscope : que veut nous dire cette œuvre aujourd’hui ? Ou plutôt, que puis-je en extraire, afin d’exprimer quelque peu cette sorte d’angoisse qui m’étreint alors que le soleil reste obstinément coincé sous une chape de nuage gris en plein mois d’août sur Paris France ? « Echappe-toi quand tu doutes ». Belle réponse, merci les phonèmes. Parfait. Je reviens à Marnie : ci-dessous, deux captures d’images extraites de ce film constitue comme un indice puisque rien n’appartient au hasard dans l’œuvre d’Alfred ni dans le choix qui m’a guidé vers ces photogrammes ; sur ces deux images (à 18’26 et 18’33), je ne vois que le journal replié tenu par la main gauche de Marnie, et ce titre en gras qui se détache sur la manchette : « Crash Kills 118…». Une question : comme ce genre d’accessoire, la quotidien de Philadelphie, provient du monde tel qu’il était au moment du tournage [cf. Hitchcock-Truffaut, 1994], de quelle catastrophe (avion écrasé ? train ? bateau ?...) s’agit-il ? Le tournage commence fin novembre 1963, endeuillé par l’assassinat de J.F.K., non pas par l’accident, mais par l’attentat, paradigme aujourd’hui pratique pour justifier « l’attentif, ensemble » et le contrôle renforcé de nos mouvements. L’autre question, plus lourde de sens : où est la porte de sortie ? Ni la psy, ni le sexe, ni le cinéma, pas plus que la littérature et les ONG, n’y pourront rien : avion et corbeau continueront de se poser sur nos constructions, nos habitus, et nous boirons du chasse-spleen, rêveront au désastre obscur, au naufrage, au hasard, au sentiment du rien, aux rencontres. Nous rêverons de ce qu’un film ne peut nous offrir en réparation d’outrages, qu’ils soient fantasmés ou réels. Inventerions-nous des prisons aux murs transparents, cesserions-nous de vouloir tenir aux bouts de nos bras l’insoutenable pesanteur du monde, que les signes de mauvais augures, toujours, obscurciront les points de vue, les idéaux, les projections. Faut pas se leurrer, c’est fragile un bonhomme et ce n’est même pas grand-chose. Aussi, la vacance se veut plutôt qu’elle ne se convoque : je pars, donc, déterminé, vers la piscine, à tout oublier dans l’effort, fut-il d’une durée de 45 minutes en regrettant que l’eau chloré ne soit pas un solvant, un bouillon primordial, un acide amniotique. Car… vraiment, cette histoire de manchette, ces 7 secondes, elles m’inquiètent…


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