Biscuits en forme de lettres et de contrition

Des pensées issues de mon inconscient viennent me heurter et me font mal. Souvent je pense les avoir oubliés, mais elles resurgissent à l’improviste. Je ressens un malaise le temps d’une promenade.

Je me souviens, quand j’avais moins de 10 ans, d’une femme issue du même village que celui de mon père. Ce village, je le décris dans mes contes « le voyage à la campagne ».

Lorsqu’elle venait nous rendre visite, La femme de la campagne m’apportait à chaque fois un sachet de biscuits en forme de lettres. Mes yeux scintillaient lorsque je disposais ces lettres pour en former quelques mots magiques. Bien qu’ils ne fussent pas de bonne qualité, ces biscuits étaient pour moi de la magie. Il faut dire que lorsque l’on a moins de 10 ans, le rêve est si facile. Cependant, un événement allait se produire et détruire ce merveilleux à tout jamais. Une femme de la ville, très sophistiquée, m’a apporté un sachet de Madeleines. À l’époque, les Madeleines étaient un luxe que l’on ne pouvait se permettre. Le hasard a fait que ce jour même, La femme de la campagne vint nous voir. J’ai délaissé ses biscuits en forme de lettres qu’elle m’avait apporté avec son affection, au profit des Madeleines. Je pense que j’ai dû lui faire comprendre que les Madeleines de la femme sophistiquée étaient meilleures que ses biscuits. Je crois que j’ai dû faire mal à cette femme, bien simple, à vrai dire. Je pense que j’ai dû prendre conscience de ma conduite très rapidement.

Depuis cet événement, je déteste l’argent et la richesse. Je ne fréquente pas les gens riches, qui du reste ne souhaitent pas ma présence. Je hais les apparences, et je m’attache aux choses simples. Eh bien que je sois médecin spécialiste, ce qui symbolise pour beaucoup la réussite, je ne possède pas de voiture, j’habite dans un modeste appartement que j’ai acquis par la force de mon travail. À mes yeux c’est un beau château, comme ces biscuits en forme de lettres.

Lorsqu’il m’arrive de faire mes courses dans les supermarchés, où je me sens toujours mal à l’aise, je suis à la quête de biscuits de mauvaise qualité en forme de lettres. Bien que je sache que jamais je ne le trouverais, je suis toujours à leur recherche.

Mon plus grand luxe est lorsque je me promène, solitaire, dans une forêt à la recherche de mes instants perdus.

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