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Quelques faux pas dans ce Quadrille

Publié le 06 juin 2022 par Morduedetheatre @_MDT_
Quelques faux pas dans ce Quadrille

Critique de Quadrille, de Guitry, vu au Théâtre Montansier le 31 mai 2022
Avec Xavier Gallais, Léonie Simaga, Cyril Gueï, Marie Vialle et un pianiste, mis en scène de Jean-Romain Vesperini

Par Complice de MDT

Ce qui m’a poussée à aller voir cette création est l’envie de retrouver sur scène, après une longue absence, Léonie Simaga, qui ne m’avait jamais déçue au Français, tant comme actrice (Hermione) que comme chanteuse (dans L’Opéra de quat’sous) ou metteuse en scène (son Othello avec Bakary Sangaré et Nazim Boudjenah est un des meilleurs que j’aie pu voir). La présence de Xavier Gallais, qui déçoit rarement, était un autre atout de cette pièce. Or, sans avoir passé un mauvais moment, je ne suis guère emballée par ce spectacle, du moins tel qu’il se présentait à la première, ce 31 mai.

Philippe, journaliste très en vue (Xavier Gallais) rencontre dans un palace parisien une jeune consoeur, Claudine (Léonie Simaga) : tous deux viennent interviewer une vedette d’Hollywood de passage à Paris, Carl Ericsson (Cyril Gueï). En attendant la star, ils bavardent et flirtent ; on apprend que Philippe est en ménage avec une célèbre comédienne, Paulette (Marie Vialle), et qu’il va lui faire la surprise de l’épouser, après six ans de vie commune. Quand l’acteur américain arrive, il confie qu’il aimerait profiter de son séjour en France pour améliorer son jeu et varier ses rôles, et Philippe lui obtient une place le soir même dans le spectacle que joue Paulette, qui pourrait lui donner des cours. Il se trouve que, sans le savoir, Carl a déjà rencontré Paulette peu avant. Sur cette base, s’ensuivront une idylle entre Paulette et la star, la fureur de Philippe, les tentatives pas si désintéressées de Claudine pour les réconcilier, débouchant enfin, comme dans tout bon quadrille, sur un échange des partenaires.

Quelques faux pas dans ce Quadrille

Cette pièce de Guitry vaut par quelques scènes où le dialogue fait mouche, mais souffre d’une exposition trop longue et respire la misogynie déplaisante de l’auteur. J’aime assez Guitry, mais il faut de l’art et de l’habileté pour transformer ses remarques acerbes sur les femmes en punchlines amusantes, comme si le personnage ne les prenait pas au sérieux. Il faut que le dialogue crépite, qu’on n’ait presque pas le temps de respirer. Il faut aussi une atmosphère légère, un peu de clinquant et de légèreté dans les décors et les costumes. Nicolas Briançon a fait cela à merveille. Encore avait-il monté Faisons un rêve, qui est une bien meilleure pièce.

Or, un certain nombre des choix du metteur en scène empêchent l’atmosphère que requiert une pièce de Guitry de s’installer. D’abord, il a inséré des lyrics (un pianiste vient accompagner les acteurs), et quelques esquisses de danse. C’est une fausse bonne idée, car cela rompt le rythme, qui dans ce genre de pièce, ne tient qu’à un fil. Et, en dehors de Simaga, qui chante toujours divinement, les acteurs sont à la peine : Gallais se contente de quelques pas de danse, Cyril Gueï chante juste, mais son grand air est trop long et alourdit encore l’exposition. Marie Vialle n’a qu’un filet de voix bien fragile. L’esprit de la comédie musicale et celui du vaudeville à la Guitry n’ont pas grand-chose à voir. De plus, le décor, très sombre, est vraiment laid. Plus que le hall ou la chambre d’un palace, on a l’impression d’être dans une administration ou un siège social. J’avoue ne pas comprendre ce choix, pas plus que celui des costumes : la dernière scène se déroule 20 minutes avant un mariage et Xavier Gallais a toujours les mêmes vêtements passe-partout qu’au premier tableau ; Claudine, que Philippe félicite pourtant pour son élégance digne d’une parisienne, est vêtue dans les deux premiers tableaux de manière très commune, et peu seyante. Ce personnage sans grand intérêt ne permet pas à Léonie Simaga de montrer ses qualités de jeu.

En revanche, il faut louer le jeu de Marie Vialle, qui sauve le spectacle. Avec Gallais, c’est elle qui bénéficie des répliques les plus amusantes, des scènes les plus brillantes. Mais là où son partenaire suscite le rire sans grand effort, en faisant « du Gallais » (cynisme, muflerie, ruptures de ton, tout ce qui lui va si bien), Vialle compose très intelligemment un personnage comique plein de reliefs. Elle fait de Paulette, cette femme de mauvaise foi qui suit ses instincts et n’admet jamais ses torts, cette actrice qui distingue mal réalité et fiction, un personnage conjuguant vulgarité et ingénuité, elle ne s’économise pas, elle surprend à chaque réplique, réussit à être vraie en en faisant un peu trop, et déclenche les seuls rires francs de cette représentation, en tirant Guitry vers Feydeau. La révélation de ce spectacle pour moi, c’est la veine comique de l’égérie de Pascal Quignard ! Guère aidée par le partenaire pataud qu’est Cyril Gueï, elle assure, avec l’abattage nécessaire, et tient à bout de bras, en donnant beaucoup, les scènes qu’ils ont ensemble ; mais ce sont évidemment ses échanges avec Xavier Gallais, ou son monologue au téléphone qui font ressortir le brio de l’écriture guitryesque, et, trop fugacement, animent la salle.

Ce spectacle décevant a au moins l’intérêt de révéler le tempérament comique de Marie Vialle, qu’on espère voir un jour en Lucette Gautier ou en Môme Crevette.

♥

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