La maison n'est plus si loin, il faut continuer à marcher, marcher inlassablement, sans regarder en arrière, ne pas prêter attention aux craquements dans la forêt,
mais j'ai soif, je suis fatigué, il fait froid, ma tête tourne, je dois faire une pause, reprendre mon souffle, ne t'arrête pas, tu n'as pas droit au repos, fixe ta pensée sur l'horizon, le ciel chargé de nuages en mouvement, le bruit de tes pas sur la chaussée, rappelle-toi les vagues, rappelle-toi le sable, les pulsations de ton coeur,
il fut un temps j'étais léger comme une plume, j'allais et venais au gré de la brise marine, aujourd'hui je suis lourd comme une enclume, même la plus forte des bourrasques ne me soulève plus,
je suis inachevé telle une symphonie après la mort du compositeur, je suis empêtré dans les affres du temps, écrasé par les impératifs administratifs que l'existence m'ordonne d'accomplir, je suis une carcasse vide laissée sur le bord du chemin, qu'aucun voyageur n'ose regarder,
ô vous qui passez, vous ne savez pas ce que s'assécher veut dire, pourtant un jour j'ai cru, j'ai bu, j'ai vu, un jour j'attendais la nuit avec ardeur, j'attendais le jour avec ferveur, la nuit était une chère amie, le jour était un bon copain, les deux allaient main dans la main, paisiblement, le monde était rond, j'étais entier, j'étais un aventurier, un acrobate, un pirate des hautes mers, partir était mon moteur, m'évader était mon mot d'ordre.