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Spécial jean paul sartre : i – une époque révolue

Par Abdesselam Bougedrawi @abdesselam
SPÉCIAL JEAN PAUL SARTRE : I – UNE ÉPOQUE RÉVOLUE

Bonjour je suis Abdesselam Bougedrawi, romancier et essayiste, je vous propose une série d’articles consacrés à Jean-Paul Sartre :

  1. Dans un premier article je vous présente l’époque de Jean-Paul Sartre, essentiellement la seconde moitié du XXe siècle.
  2. Le second article sera consacré à une courte biographie de l’homme et de son parcours d’intellectuels contestataires.
  3. Le troisième à une œuvre majeure : l’existentialisme est un humanisme
  4. Le quatrième et dernier article à une œuvre très peu connue, la pièce de théâtre les mouches. Une œuvre majeure.

LA NÉCESSITÉ DE COMPRENDRE LES PREMIÈRE DÉCENNIES DU XXE SIÈCLE

Il n’est strictement impossible de comprendre la pensée et les prises de position de Jean-Paul Sartre si on ne s’imprègne pas, si on ne s’immerge pas dans les premières décennies du XXe siècle. En effet, Jean-Paul Sartre et une partie des autres penseurs sont nés dans les deux premières décennies de ce siècle.
Le XXe siècle possédait au moins trois caractéristiques vitales que l’on ne saurait occulter :
1 – Le marxisme avec la lutte des classes et le sort de la classe prolétaire.

2 – La révolution bolchevique de 1917 avec l’avènement de Joseph Staline

3 – De façon plus spécifique à la France, la présence de colonies.
Ces éléments seront déterminants dans la pensée et les conduites de Sartre, le plus célèbre intellectuel de son époque.

1 Marxisme, lutte des classes, sort des prolétaires

Même si le sort de la classe prolétaire commençait légèrement à s’améliorer, et même si nous sommes à plusieurs décennies de la mort de Karl Marx, l’esprit de la lutte de classe était présent chez les intellectuels du début du XXe siècle.

Sartre étant né en 1905, c’est souligner que son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte seront imprégnées par la doctrine marxiste. Plus qu’une imprégnation, c’était une idéologie pratiquement religieuse. Sartre et les autres intellectuels vont faire du sort de la classe des ouvriers leur ultime quête. La seule quête qui vaille la peine de lutter pour elle. Il y avait une fusion quasi charnelle entre la pensée et la conduite de Sartre, le communisme avec sa la cause ouvrière.

Il y avait pour Sartre et sa compagne Simone de Beauvoir, une division du monde en deux parties, d’un côté ceux qui sont de la gauche, ceux qui sont pour la cause marxiste et le futur communisme soviétique, de l’autre coté la classe bourgeoise capitaliste exploitant les ouvriers. Cela allait même jusqu’à une haine féroce de ce tout ce que représente la bourgeoisie incluant ses apports démocratiques. Une ligne de démarcation de la rancœur et de la haine s’était érigée entre la gauche de Sartre et la droite de Raymond Aron. Sartre détestera Raymond Aron, qui était de droite, durant des décennies bien qu’ils fussent au départ de grands amis. Cette position extrême était considérée comme une légitime défense puisqu’il fallait s’opposer à ces personnes qui ont fait beaucoup de mal et de tort à toute une classe laborieuse d’ouvriers.
Il faudrait se garder de juger hâtivement cette attitude avec les critères de notre époque. En effet, le système capitaliste avec sa révolution industrielle, avait conduit à la pauvreté, à la misère, au désespoir puis finalement à la mort, de dizaines de milliers d’êtres humains. Il ne faut absolument jamais perdre de vue cet élément crucial de la révolution industrielle. Justement, la pensée de Sartre et de tous les autres s’inscrivait essentiellement dans cette mentalité.

2 La révolution bolchevique puis l’avènement de Staline

Dans le prolongement de l’idéologie marxiste, la révolution bolchevique a représenté pour des millions de personnes à travers le monde, plus qu’un cri de révolte contre un système, c’était le grand aboutissement du rêve humain, qui enfin se concrétisait. Joseph Staline sera considéré comme le sauveur de l’humanité, le défendeur de la classe ouvrière opprimée, l’ultime recours contre les injustices. On lui prêtait toutes les vertus, de la liberté, de l’équité, de la générosité, de la tolérance. Pour Sartre, l’Union soviétique représentait le pays de la libre expression, de la liberté de la presse, de l’absence de lutte des classes et de son injustice. Il vouait un tel culte à Joseph Staline que, pour lui, tout ceux qui était contre lui, étaient des chiens. Il faut bien le comprendre, nous étions dans une époque particulière.

3 – Présence de colonies françaises

Sartre ainsi que beaucoup d’autres intellectuels, même de droite, auront une position très claire sur les colonies françaises : elles devraient cesser. La présence des colonies françaises, essentiellement en Algérie, puis la guerre menée par le FLN contre l’occupation française furent une autre préoccupation majeure des intellectuels des premières décennies de ce XXe siècle si particulier. Aussi, il y avait une division entre ceux qui étaient pour l’Algérie française et ceux qui étaient pour l’Algérie libérée de la colonisation. Une division et un clivage qui pouvait aller jusqu’à la rupture, la rancœur voire les oppositions haineuses.

Maintenant que nous avons esquissé une vision succincte et globale du XXe siècle, que représentait cet intellectuel.

JEAN-PAUL SARTRE LE PLUS CÉLÈBRE DES INTELLECTUELS FRANÇAIS DU XXE SIÈCLE

Jean-Paul Sartre représentait l’intellectuel le plus célèbre de la seconde moitié du XXe siècle. Sa notoriété dépassait les frontières de France pour acquérir une célébrité internationale. C’était des temps où les écrivains avaient un puissant ascendant qui s’étendait au-delà des cercles de l’élite intellectuelle pour fasciner le grand public. C’était une époque particulière durant laquelle on vouait une admiration sans retenue pour les philosophes, sans toutefois connaître réellement leurs pensées.
En effet, bien que personne ne pût comprendre les livres de Sartre, tellement son style était abscons avec un jargon indéchiffrable, beaucoup parlaient de ses œuvres avec force et conviction. Ainsi, il put réaliser cet exploit de faire penser toutes les catégories sociales, de l’ouvrier, à l’instituteur et au cadre supérieur.
Une multitude de personnes, de pays, de cultures et de traditions différentes savaient qu’il existait un grand intellectuel français sans pour autant être capable de définir quelle était sa pensée. On ne comprenait rien à Jean-Paul Sartre, on l’admirait !
C’était un siècle de la lecture.  C’était l’une des grandes caractéristiques de l’après-guerre, essentiellement des années 60, où plus un livre est difficile à comprendre, plus on lui prêtait les plus grandes vertus. On lisait beaucoup ; la fierté des personnes n’était pas le dernier Smartphone, mais le dernier livre que l’on a acheté. Dans le salon de bien des maisons, en son milieu, une belle bibliothèque remplie de beaux livres. Les lectures se faisaient partout, dans les bus, dans le train, dans les cafés. Chacun avait son idole, Sartre, Camus… Chacun défendait son auteur préféré et cela pouvait mener jusqu’aux disputes, voire à la perte des amitiés. La lecture, les intellectuels, les philosophes, étaient une affaire des plus sérieuse. C’est donc naturellement que l’on admirait Sartre, qu’on limitait, que l’on discutait à bâtons rompus de l’être et le néant, livre majeur de Sartre, sans pouvoir déchiffrer la moindre de ses œuvres. Raffinement suprême, faute de comprendre l’existentialisme, on le chantait.
Jean-Paul Sartre avait une emprise totale sur l’esprit de beaucoup d’intellectuels. Soit on faisait partie de sa cour, soit du camp de ses ennemies. Il n’y avait pas de place pour la nuance. Malheur à ceux qui préféraient son contemporain et rival, Albert Camus.
Le culte des intellectuels
Il serait intéressant de comprendre les raisons profondes qui font que beaucoup s’étaient engagés dans le culte de personnes de la façon la plus irrationnelle. Probablement était-ce par effet de mimétisme, peut-être était-ce pour ne pas paraître mentalement indigent par rapport aux autres. Ils furent bien nombreux les intellectuels à exercer une influence au cours des années 50 puis 60. On peut citer :

– Albert Camus
– Simone de Beauvoir
– Gilles Deleuze
– Raymond Aaron
– Roland Barthes
– Emmanuel Levinas
Et tant d’autres.
On pourrait expliquer la profusion des écrivains et des idées par le commencement d’un nouveau cycle. En effet, après chaque grand bouleversement, ici la Seconde Guerre mondiale, on aborde une nouvelle étape humaine. Idées nouvelles, génération nouvelle, nouveaux espoirs. Cela se voit dans les œuvres, dans les films, dans les romans. On cherche à créer un monde moderne différent de l’ancien. Un monde que l’on voudrait meilleur, voire utopique. Le communisme avec ses lendemains qui chantent en fut le parfait exemple. Nous le savons, avec le recul, ce furent les désillusions et les amertumes.

FINALEMENT, QUE RESTE-T-IL FINALEMENT DE CETTE ÉPOQUE ?

Une majeure partie de ces grands penseurs ont vu leur aura diminuer progressivement pour finalement disparaître. On ne pense à Jean-Paul Sartre qu’avec nostalgie, ou bien pour faire appel à son fantôme pour conjurer le marasme des intellectuels contemporains. « Sartre, réveille-toi, ils sont devenus mous », tel est le titre d’un livre récent.

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