Ozra et son mari Issah sont dans le même lit, se tournant le dos, et chacun.e ressasse sa journée en quatre monologues intérieurs, lui, elle, lui, elle. Leur désir s’est perdu dans la guerre contre l’Irak où Mariam, leur fille, est née handicapée, ne pouvant parler ni marcher. Leur chambre est une chambre d’étudiant dans une ancienne résidence universitaire transformée en résidence pour réfugiés. Autant dire sans confort et sans intimité. Même sur le palier, les femmes doivent porter un foulard sans quoi elles peuvent être dénoncées par quiconque, voisin. Et des voisins, il y en a beaucoup, vivant dans ces mêmes conditions, se réfugiant sur la terrasse pour pleurer. Elle était militante, Ozra, dans sa jeunesse, et c’est comme ça qu’elle a rencontré Issah, dont la soeur militait dans la même organisation communiste qu’elle. Lui ne se préoccupait pas de politique. La politique s’est occupée d’eux. Chaque monologue dit les aspirations et les déceptions des deux protagonistes dont on ne voit pas bien l’avenir. On y découvre avec chacun.e la découverte de la sexualité, l’instauration du pouvoir de Khomeini, la mise en place d’une société qui installe son régime jusque dans les lits, les reins et les coeurs. Même les animaux subissent cette souffrance : l’escargot qui meurt, le pigeon qui souffre, le chat qui ne sait plus redescendre du mur où il est monté. Ozra et Issah quant à eux ne savent plus retrouver le chemin de l’autre et Mariam en est témoin muet dont on voudrait qu’elle retrouve le sourire.
Trente ans séparent la première version de ce roman, d’abord écrit en Iran, puis repris et augmenté en exil. J’en extrais deux citations :
« C’est bien connu que la vérité est dangereuse dans ce pays. »
« À mon avis, il suffit, avant de se mettre à écrire, de connaître les deux premières lignes, puis quand la plume est posée sur le papier, le reste suit automatiquement. »