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Werewere Liking : La mémoire amputée

Par Gangoueus @lareus
Werewere Liking : La mémoire amputée « La mémoire amputée » : une ode à la résistance de la femme camerounaiseUn article de Cheikhna Aliou Diagana, écrivain et universitaire sur ce classique de la littérature africaine.La lecture de ce roman fait ressurgir de vieilles réminiscences estudiantines, l’agréable souvenir de mon professeur de littérature africaine de l’université de Nouakchott, Diallo yaya Yéro, qui ne tarissait pas d’éloges sur le texte de Were-were Liking. Un classique qui, de prime à bord, séduit le lecteur par son originalité générique. L’auteur invente le chant-roman qui lui permet de ponctuer son récit de chants poétiques et de temps qui permettent au lecteur de prendre des pauses dans sa longue lecture, mais également de se nourrir de l’univers culturel fantastique des bassaCe roman aux allures fortement autobiographiques est un récit initiatique saisissant qui commence par l’histoire de la septuagénaire et narratrice Halla Njoké. Elle tente de revisiter la mémoire des femmes de son clan à travers la figure de Tante Roz qui est une cousine éloignée de son père, mais une de ses inspiratrices, à côté de sa mère Nadja et de sa grand-mère paternelle Grand Madja. Tante Roz est en effet une femme admirable à la gentillesse débonnaire qui a décidé de consacrer sa vie aux laissés pour compte « Tantie Roz toute seule, c’est toute la chaîne de la solidarité africaine qui s’est réincarnée, reconstruite. » (p.19). Malheureusement Tante Roz refuse subtilement la proposition de sa nièce comme pour l’exhorter à se plonger dans sa mémoire individuelle qui la mènera ipso facto à la mémoire collective des femmes de son clan. Une mémoire faite de silences tues et de travestissements.C’est donc un roman féministe qui raconte également les combats de toutes ces femmes de son clan qui, dans le contexte de la lutte pour les indépendances de Um Nyobe au Cameroun, se battent pour se soustraire du diktat des abus du patriarcat. Ces femmes debout qui osent se révolter à l’image de Tante Roz qui soutient les maquisards, de Halla Njoké qui résiste à tous ces hommes misogynes qu’elle retrouve sur son chemin, mais aussi sa mère Nadja qui intente un procès contre son mari volage et irresponsable pour avoir la garde exclusive de ses enfants. Des petites victoires qui pourraient sembler insignifiantes, mais revêtent en réalité tout un symbole dans le rôle crucial des femmes dans le bon fonctionnement des sociétés post-coloniales.La démarche de Were-were Liking qui offre une multitude de grilles de lecture est un travail fouillé de sociologue, d’observateur avisé de la société. Il est la métaphore d’une Afrique qu’on a oubliée, s’est oubliée, une Afrique qui peine tant bien que mal à se relever des « abus de la mémoire ».Cheikhna Aliou DIAGANA
Source photo - Durant Ndri

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