J’ai déjà eu l’occasion de publier sur ce blog des poèmes de Richard Rognet, issus du recueil récent Dans les méandres des saisons (en 2014) mais j’ai pu me procurer un recueil beaucoup plus ancien de ce poète, Petits poèmes en fraude, qui a été publié par Gallimard en octobre 1980, et dont je vous propose la lecture de trois poèmes.
Note sur le poète :
Né en 1942 d’une mère institutrice et d’un père mécanicien dans l’industrie textile, il prend goût à la lecture dès son enfance et écrit ses premiers poèmes à l’âge de douze ans. Diplômé de l’école normale d’instituteurs de Mirecourt il étudie ensuite les Lettres à l’université de Nancy. Il publie son premier recueil en 1966. En 1969, il devient enseignant à l’école normale de Mirecourt, puis à Epinal, avant d’intégrer le collège Jules-Ferry comme professeur de lettres jusqu’à sa retraite 2002. Sa rencontre avec Alain Bosquet en 1971 marque pour lui une étape importante dans son parcours de poésie. Il perd son père en 1991, année où il entre à l’Académie Mallarmé. En 1994, il devient chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres. Il obtient en 2002 le Grand prix de poésie de la Société des gens de lettres pour l’ensemble de son œuvre, déjà récompensée par de nombreux prix et traduite en italien, en espagnol, en allemand, en russe, en bulgare…
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Page 41
Je succombe
sous les épouses
aux chemises désirables.
Pour les nommer, faire merveille,
je les aveugle d’un regret.
Mais le regard à la dérive,
quel épiderme l’engloutit ?
Au matin, un jeune boiteux
ramassera en sifflotant
les copeaux gluants
de la nuit.
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Page 48
Tu balances ton corps,
dans le jardin public,
un merle
picore tes initiales.
Attends le coup de grâce,
rabâche les étoiles,
pour l’heure, geins sur ton sort
de fille incorrigible.
Entre deux pluies élégantes,
le soleil t’épingle
sur le parvis aux oiseaux-lyres.
Ce soir encore,
tu feras provision de fumée,
tu grimperas l’escalier
dans des rafales de posters.
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Page 79
Un feu mourant,
quelques regrets,
une immortelle,
dans ta doublure,
d’autres projets.
La pluie annonce
des objets
vêtus de sable,
la rue épouse
un vieux papier.
La fenêtre oubliée,
l’étau, la solitude,
le cœur gros, l’épée, le fil,
ton adresse m’arrache
à la clarté du jour.
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