» – J’ai pas couché avec Walid, je l’ai juste embrassé… Une fois, une seule fois! C’est ça, la vérité! Plus je criais, plus elle souriait. -Mais on s’en fout de la vérité, ça compte pas la vérité… Tu comprends pas ça? Je l’ai regardée un long moment et puis j’ai murmuré: – Non, je comprends pas… Je n’avais plus envie de crier, même plus envie de pleurer, je me sentais juste d’une tristesse à mourir. «
Ce titre et cet extrait me bouleversent particulièrement. Après avoir tourné longtemps autour, j’ai enfin ouvert ce roman jeunesse de Isabelle Pandazopoulos, qui est particulièrement fort, comme je me l’imaginais… Aïcha a le sentiment d’être privilégiée, même si elle vit seule avec sa mère, qui travaille beaucoup. Arabe d’origine, elle se sent surtout française, et bien intégrée. Elle va souvent chez sa meilleure amie Sabrina, mange et dort parfois chez cette famille qui lui fait une place dans leur vie. Un soir, Walid et elle s’embrassent, dans la cuisine, alors que tout le monde est déjà couché. Mais rien de plus. Le lendemain, tout bascule. Walid se vante qu’ils ont couché ensemble et la réputation de Aïcha est faite. Les « autres » la traitent de « pute » et la fuient, même son amie Sabrina, choquée par sa trahison, elle qui déteste son frère. La vie de Aïcha devient un enfer lorsque sa mère découvre qu’elle sèche les cours. Loin d’en vouloir vraiment à sa fille, cette femme, dont Aïcha découvre qu’elle ignore l’histoire, va s’accuser d’être une mauvaise mère et dépérir petit à petit, laissant Aïcha encore plus seule. Heureusement, Kote, l’ami de toujours, veille… J’ai aimé que ce roman raconte, outre les dérives de la « rumeur », le thème plus large de la « réputation » qui peut détruire des vies, des familles, des destins, et ce sur plusieurs générations, seulement pour des questions d’honneur et de religion. Aïcha découvre avec douleur qu’elle vivait dans un monde d’illusions, fait connaissance avec son histoire et prend de plein fouet aussi la fragilité des adultes. Un très beau roman, très subtil, complexe et émouvant.
Editions Gallimard jeunesse – juin 2009
J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…
éé