J’ai trouvé ce recueil en flânant dans le rayon poésie de la librairie Gibert. Comme le nom de cette poète suédoise m’était inconnu, j’ai feuilleté ce « huitième pays » et j’ai été attirée par cette écriture, par ses images éloquentes, insolites, et par une émotion retenue et discrète mais toujours bien présente. Ayant acheté ce livre et de retour chez moi, j’ai été séduite par la grande diversité des thèmes abordés – qui recouvrent tous les aspects de la vie, et où la poète adopte un regard personnel, original, éloigné de toute facilité ou de toute banalité, et cependant avec une profonde simplicité.
J’ai aimé ce recueil, qui mérite d’être relu plusieurs fois car une seule approche n’en épuise pas le sens et, souvent, les mots semblent désigner une voie vers une vérité enfouie et insoupçonnée.
Note sur la poète
Jila Mossaed est née à Téhéran en 1948. Elle publie ses premiers poèmes à l’âge de 17 ans. Suite à la prise de pouvoir par Khomeini en 1979, elle trouve refuge en Suède. Elle écrit en suédois depuis 1997 et entre à l’académie suédoise en 2018. « Chaque langue qui me donne la liberté de m’exprimer contre l’injustice est la langue de mon cœur » dit-elle à propos de son œuvre poétique où l’exil occupe une place essentielle. (Source : éditeur)
Note pratique sur le livre :
Editeur : Castor Astral
Année de publication en France : 2022 (en Suède : 2020)
Traduit du suédois par Françoise Sule
Préface de Vénus Khoury-Ghata
Nombre de pages : 140
**
Page 31
Dans ce jardin-là
aucune fleur ne naît
L’arbre n’a pas d’ombre
et le vert a peur du rouge
Pourquoi les morts sont-ils si seuls
Les voix se transforment en cris la nuit
La pluie efface tous les noms
Nous nous perdons de vue
dans la nuit absolue
qui est le septième stade de la peur
J’incline le miroir vers le brouillard
dans l’attente de la lumière
**
Page 79
Si tous les humains sur terre
meurent un jour
les mots disparaîtront
Tout perdra son nom
et la nature deviendra sourde
C’était une journée sans mots
Je suis sortie
sans papier ni crayon
Sans mon cœur
Le soir venu
des centaines de lettres faisaient la queue
pour trouver place
sur le séduisant papier blanc
**
Page 133
J’ai dormi sur la partie la plus douce
de la cuisse de la rivière
Dans la gorge de l’eau
là où les petits muscles des vagues
tremblent de désir
L’eau a son propre son
Des notes illisibles
impossibles à imiter
Je m’étends sur la poitrine blanche de la rivière
savoure les caresses
J’entends des chants que même la terre ne connaissait pas
**