Note pratique sur le livre
Editeur : Actes-Sud (collection Babel)
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle
Date de publication au Japon : 1991 (en France 2004)
Nombre de Pages : 110
Note biographique sur l’autrice :
Yôko Ogawa, née en 1962, se consacre à l’écriture dès la fin de ses études de Lettres. Admiratrice d’auteurs comme Murakami, Tanizaki, Kawabata, elle apprécie aussi Paul Auster dont le roman Moon Palace l’influença. Elle remporte le prestigieux Prix Akutagawa pour son roman La Grossesse en 1991, puis de nombreux autres prix (Tanizaki, Izumi, etc.). Traduite dans le monde entier, l’œuvre de Yôko Ogawa est particulièrement populaire en France. (Source : Wikipédia)
Quatrième de Couverture
Dans les vestiaires d’une piscine, une jeune femme est soudain attirée par une inconnue pourtant banale, effacée et silencieuse. Quelques jours plus tard, elle croise à nouveau l’inconnue qui marche dans la rue accompagnée d’une vieille dame et, fascinée, elle les suit à travers la ville jusqu’à une loge de gardien au milieu d’un parc. A l’intérieur, les deux femmes sont assises sur des chaises, elles semblent attendre leur tour. La plus âgée se lève, entre dans une haute armoire hexagonale : la petite pièce à raconter…
Etrange et obsédante, cette courte histoire fait appel à la poésie et à l’imaginaire pour évoquer les mystères de l’introspection, de la confession et de la psychanalyse.
Mon avis très subjectif
On retrouve dans ce court roman (ou longue nouvelle) des thèmes récurrents chez Yôko Ogawa : la piscine et l’élément aquatique, associés aux femmes enceintes qui s’y baignent, ce qui est bien sûr très symbolique du liquide amniotique et du retour dans le ventre maternel. Et ce n’est donc pas fortuit si l’héroïne rencontre dans une piscine le personnage de Midori, qui va l’initier aux secrets de la petite pièce hexagonale, qu’ils appellent aussi « pièce à raconter ». Du point de vue symbolique, encore, Midori est présentée comme une femme discrète, silencieuse, effacée, à la fois gardienne de certains rites immuables et accompagnatrice d’une évolution intérieure, comme une sorte de prêtresse mystérieuse, et elle représente assez bien la figure complexe du psychanalyste idéal.
Il est intéressant de voir que, pour accéder aux bâtiments désaffectés où se trouve la petite pièce à raconter, l’héroïne est obligée de traverser un parc très touffu qui donne plutôt l’impression d’une épaisse et ténébreuse forêt, dans laquelle elle se perd à chaque fois, avec angoisse. Et c’est au moment où elle désespère de jamais retrouver le chemin des bâtiments que la lumière apparaît et qu’elle débouche à l’endroit désiré. Cela m’a semblé, là encore, très symbolique du cheminement psychologique qui mène vers un début de compréhension de soi-même. Et, sans aucun doute, ce sont nos désespoirs et nos fourvoiements qui peuvent nous conduire sur la voie de l’introspection et de l’analyse de soi, et on peut dire en effet que les ténèbres indiquent la direction vers la lumière.
Il serait trop long et un peu trop systématique d’énumérer tous les autres symboles et significations allusives cachées dans ce roman (d’autant que je suis très loin d’avoir tout décrypté ou remarqué) mais, en tout cas, ces éléments étranges et mystérieux donnent à ce livre une atmosphère envoûtante, un peu magique, et le rendent extrêmement agréable à lire.
J’ai passé un bon moment de lecture !
Un Extrait page 63
Est-ce que ça va comme ça ?
J’adressai ma question à la paroi hexagonale, en levant légèrement les yeux. Je tendis l’oreille un moment, mais je n’eus pas de réponse.
C’est donc que personne n’écoute, n’est-ce pas ? Bon, alors, je continue.
En fait, ça ressemble à un monologue, c’est ça ? Une boîte où l’on peut murmurer tout seul autant qu’on veut, dans le style qu’on aime, sans se soucier du regard des autres. En pensant de cette façon, je peux l’admettre jusqu’à un certain point. De temps en temps dans le métro ou la salle d’attente à l’hôpital, il m’arrive d’apercevoir quelqu’un qui monologue sans arrêt, l’air tout à fait sérieux. En général les gens n’aiment pas ça et le mettent à l’écart. Si bien qu’autour de lui, il se forme un espace qui n’est pas naturel. Si on enfermait cette personne avec son espace à l’intérieur de la petite pièce à raconter, je suis sûre qu’elle serait très contente. Plus on est à l’étroit, plus on entend nettement sa propre voix, et l’on doit certainement avoir l’impression de se révéler dans la vérité de son coeur. C’est ce qu’il y a d’agréable dans le monologue.
Bon, je vais parler de moi. Si l’on ne parle pas de soi, je pense que ça n’a pas de sens d’entrer ici. Peut-être.