"Répression à domicile", dit le gros titre
en faisant allusion aux visites de la police
chez les parents des jeunes manifestants
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A Buenos Aires, lorsque les collégiens, les lycéens ou les étudiants sont mécontents, ils occupent leur établissement. Que ce soit pour contester les méthodes d’enseignement, l’autoritarisme du chef d’établissement, des faits de maltraitance de la part de tel ou tel membre du personnel éducatif ou administratif, etc. Or depuis quelques jours, les occupations se multiplient. Actuellement, la Ville autonome de Buenos Aires compte entre onze et vingt-cinq écoles occupées (selon la couleur politique de la source), dont le prestigieux Colegio Nacional, situé à Monserrat, par lequel est passée toute l’élite portègne depuis l’époque coloniale, ainsi que plusieurs écoles supérieures, dont Lenguas Vivas, celle qui forme les professeurs de langue et les interprètes. Tout cela pose bien sûr des problèmes de sécurité, puisque les élèves empêchent alors le personnel de travailler, mais aussi de scolarité, notamment lorsqu’il s’agit de groupes scolaires qui réunissent deux niveaux, primaire et secondaire, et où les écoliers sont eux aussi privés de cours parce que les grands bloquent l’accès à l’établissement.
Adolescents et étudiants s’opposent actuellement à la politique scolaire du gouvernement municipal (droite libérale), qui passe son temps à prendre des mesures contraires à celles du gouvernement national (gauche péroniste).
Depuis cette années, les lycéens
sont en particulier obligés de faire un stage en entreprise,
pompeusement baptisé « stage de familiarisation avec le monde
du travail ». Officiellement, l’objectif est de les aider à
s’orienter dans la jungle des métiers. Or beaucoup des adolescents
qui sont passés par ces stages s’y sont vus confier des tâches
matérielles sans aucune dimension formatrice comme de laver la
vaisselle ou de servir du café aux salariés. Bref, ils ont été
utilisés comme des larbins, gratis en prime, et ils n’ont ni
appris ni vu grand-chose d’intéressant sur ce qu’est le travail
en entreprise (même s’il fait très peu de doute qu’il s’agit
là de contraintes couramment imposées à de nombreux jeunes peu
qualifiés lorsqu’ils entrent sur le marché du travail).
Elle passe le chapeau, dit le gros titre
avec ce montage à partir d'une photo de Soledad Acuña
qui ramasse la monnaie !
Une de Página/12 hier
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Excédée par ces occupations d’école qui progressent de quartier en quartier, la très contestée ministre de l’Éducation du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, Soledad Acuña, dont on ne compte plus les propos provocateurs hostiles aux classes populaires de la société portègne, a décidé de porter plainte contre les parents des élèves qui manifestent. Et les premiers parents ont reçu hier la visite des policiers qui les ont interrogés, avec, disent-ils, assez peu de délicatesse. Certains parents d’élèves entrent donc dans la contestation et soutiennent désormais d’autant plus ouvertement leurs enfants et la conscience politique dont ils font preuve.
Rappelons qu’en Argentine, depuis quelques années, les mineurs disposent du droit de vote dès l’âge de 16 ans, avec pour seule différence par rapport aux adultes que leur vote est facultatif alors que celui des majeurs est obligatoire (au moins en théorie, parce que le taux d’abstention est aussi fort qu’en France). Il n’est donc pas si mauvais que cela que ces jeunes électeurs fassent preuve de sens politique, même si certains d’entre eux sont à coup sûr manipulés par des formations politiques péronistes et des syndicats ultra-politisés. Mais cela ne veut pas dire que les manifestants n’aient pas de bonnes raisons de s’opposer à ce qu’on leur impose et ces tentatives de récupération font intégralement partie de toute initiation des jeunes à la vie politique.
Les parents des mineurs impliqués dans l’occupation des écoles encourent des amendes. Bien évidemment, dans le contexte actuel d’inflation géante, c’est une menace qui fait un peu peur pour le budget familial.
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogpost.com
Pour aller plus loin :
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación