1997. J'ai 25 ans. Elle aussi. Le jour même de mes 25 ans, j'avais un plaisir fou avec mes amis, qui sont les mêmes aujourd'hui. Le jour même où je fêtais mes 25 ans, elle fêtait elle aussi.
Elle lançait son tout premier album de musique, dans la même ville. Celle qui était tombée dans nos coeurs. L'hiver. L'hiver peut être si beau à Montréal. Un album extraordinairement bien tricoté avec Yves Desrosiers. Un album qui survit aux époques. Un album qui transcende tous les genres. Tous les styles. Toutes les nations. Inclassable. Une peu tzigane, un peu gypsy. Pas du fado, pas du blues, pas de la pop, pas du rock, pas du jazz, mais aussi un peu tout ça.



La magie est partout dans la vie de Lhasa. Elle la cherche, veut la créer, s'en inspire. Généreuse, bien que très peu amoureuse, elle est impressionnante de candeur. Comme notre amie Julie, dans la trentaine, elle a attrapé le crabe. Comme notre amie Julie, elle a refusé les traitements contre le cancer. Invoquant probablement mentalement cette magie qui lui était si importante, elle préférait essayer les traitements parallèles, expérimentaux, plus naturels. Comme notre amie Julie, elle ne survivra pas, quittant notre monde après 21 mois de traitements. Lhasa survivant 4 ans de plus que notre amie Julie, cette dernière morte à 33 ans. Lhasa, à 37.

En 2003, notre fille arrivait sur terre. 5 mois et 1 jour plus tard, Lhasa lançait son second album. Plus sombre, mais que j'ai aussi acheté. Un album si bien travaillé, avec Ibrahim Maalouf entre autres, qu'il a été récompensé un peu partout dans le monde.
Elle qui détestait se faire catégoriser "artiste de musique du monde" cartonnait quand même un peu partout dans le monde. Mais étrangement pas là où elle était née. Aux États-Unis.

"La vie est épatante mais n'a rien de joli" disait-elle aussi, apprenant à vivre avec sa sale maladie et presqu'incapable d'écrire de la musique issue du bonheur, qu'elle arrive à embrasser quand même.
Lhasa avait cette qualité romanichelle de ne jamais se complaire dans ce qu'elle avait.

Elle n'aura jamais 40 ans. Ni l'âge que j'ai présentement. Qui aurait aussi été le sien. À la petite école, on aurait été de la même classe, de la même cohorte scolaire. J'aurais assurément été attiré par elle. Les fèlures me parlent. Le caractère aussi. La musique. Tout ça, c'est aussi beaucoup moi.
Elle est morte le 1er janvier 2010. A réussi son meilleur tour de magie en disparaissant. Mais sa musique reste. C'est le merveilleux des artistes. Elle est partie trop jeune. Le balado est ponctué de sa musique et de quelques unes de ses entrevues. De ses soeurs. De l'âme trop pur de Lhasa.

Patrick Watson et Esmerine ont écrit un délicieux morceau en sa mémoire.
Il neigera maintenant avec une pensée pour toi, belle fille.
Je suis amoureux. Mais ne serai jamais le salaud qu tu te souhaitais pour enfin un jour chanter quelque chose que tu connais.
Lhasa aurait eu 50 ans, comme moi, cette année, le jour où j'ai écrit ceci, le 27 septembre.
