Voici une fable racontée dans un tantra de la Déesse, la Collection de six mille versets (Shatsâhasrikâ-samhitâ) :
"Ayant entendu parlé de la venue d'un éléphant, une foule s'en approcha, une foule d'aveugles. Chacun le décrit selon l'endroit qu'il touchait : queue, oreilles, patte, défenses ou ventre. Ceux qui touchaient sa queue disait que cet éléphant est une corde. Ceux qui touchaient ses oreilles, que l'éléphant était un éventail. Ceux qui touchaient ses pattes, qu'il était une colonne. Ceux qui palpaient son ventre, qu'il était un mur. Ceux qui mirent la main sur ses défenses, qu'il était une sorte de lance.
Ainsi dans l'erreur, ils se mirent à se disputer. Ceux qui les observaient commencèrent à rire. Les aveugles ne comprenaient pas. Pourquoi se moquait-on d'eux ? Ceux qui voyaient leur dire : 'Ne vous disputez pas ! L'éléphant est différent de ce que vous touchez. Mais vous avez tous touché l'éléphant ! Allez voire un docteur, qu'il vous ôte votre cataracte !"
Ainsi, le savoir ordinaire est vrai et faux.
Vrai parce qu'il connaît une partie de la vérité.
Mais faux parce qu'il prend cette partie pour le tout.
Cette fable est extraite d'un tantra d'une tradition tantrique extraordinaire et quasi inconnue, la tradition de Kubjikâ, étudiée par Mark Dyczkowski. Il a notamment publié une incroyable traduction d'une partie de l'un de ces tantras, en quatorze volumes !
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Quant à cette fable, d'origine jaina, elle est passée dans le bouddhisme et est aujourd'hui bien connue. Elle illustre comment nos idées sont des vérités partielles que nous prenons à tord pour des vérités complètes. Toutefois, toutes ces idées ne se valent pas, car elles sont plus ou moins complètes.