" Des familles portant le dais avaient fait quoi pour en arriver là ? Des tours de bâton. Tu recevais un coup sur la tête : tu ne savais pas à qui dire merci. C'étaient des saintes familles à perte de vue. Mais, cheval et voiture, ça ne vient pas par l'opération du Saint-Esprit. Mets tes sous à couver, ça ne rapporte guère. Il te faut cent ans. Défonce le poulailler du voisin : ça, c'est de la volaille ! La nuit noire, quelle belle institution . Ils disent conscience. Ils disent : remords. D'accord. C'est de la monnaie. Payez et emportez. Si c'était gratuit, ce serait trop beau. Moi j'estime : du moment qu'on est chrétien, on a le droit de tout faire. Tu seras jugée. Alors, ne te prive pas. C'est de la banque. Il y en a qui sont pour le paradis. Très bien. Des goûts et des couleurs... mais, moi je suis modeste ; je me satisfais de peu. Après on verra. Je n'ai pas d'orgueil. Je me contente de la vallée de larmes. Quand je souffre, je suis libre. Alors ?..."
Jean Giono, extrait de " Les âmes fortes" Éditions Gallimard, 1950. Du même auteur, dans Le Lecturamak :