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Comment traduire sans trahir ?

Publié le 15 novembre 2022 par Anargala
Comment traduire sans trahir ?

La spiritualité d'aujourd'hui n'existerait pas sans l'Inde.

Que serait le yoga sans yoga, sans âsana, sans prânâyâma ni samâdhi ?

Que serait le tantra sans mantra, le mystérieux chakra ou le célèbre mandala ?

Or, tous ces mots sont en sanskrit, langue sacrée de l'hindouisme, du bouddhisme et du jaïnisme.

Ses textes sont les plus anciens à avoir été transmis sans interruption jusqu'à nos jours.

Bien sûr, il existe des langues aussi anciennes, comme l'égyptien et le sumérien. 

Mais ces civilisations se sont éteintes, tandis que l'hindouisme et le bouddhisme sont bien vivants.

Mais comment traduire sans trahir ?

Prenons un exemple :

conscience : nous entendons parler de conscience "non-duelle", sans séparation entre le sujet et l'objet, ou encore, on dit "conscience pure", conscience qui n'est pas "conscience de" ceci ou cela, mais conscience dépourvue de tout contenu, comme un ciel sans nuages. 

Mais quels sont les mots sanskrits traduits par "conscience" ?

Les principaux sont cit (prononcer "tchitte") et prakâsha.

Ces deux termes désignent la lumière. 

Ce sont des métaphores.

Cit vient d'une racine -kit, "briller", dont dérive ketu, clarté, lumière, mais aussi "étoile filante", comète, signe évident, bannière, apparition, manifestation.

Mais cit est aussi apparenté à la racine -cint, "penser à", "méditer", considérer", "se soucier de".

Prakâsha désigne la lumière, le fait de briller, l'illuminer. Formé du préfixe pra- "vers l'avant" et de la racine kâsh, "briller", "éclairer", "illuminer". On retrouve cette racine dans Kâshî "La Lumineuse", l'un des noms de la cité de Bénarès.

Dans les deux cas, nous avons donc l'image d'une lumière qui éclaire les choses. Et la conscience est en partie cela : elle est comme une lumière qui éclaire les choses, mêmes les plus intérieures, comme les pensées et les sensations. 

Dans ces racines verbales, il y a également l'idée d'une lumière belle, plaisante, agréable.

A partir de cette métaphore de la lumière, 

ce qu'est la conscience... s'éclaire :

la lumière rend visible, mais elle-même

n'est pas visible.

Une lumière dans le vide,

qui n'a rien à éclairer,

reste invisible.

La lumière ne devient visible

que quand elle se réfléchit

sur un objet.

Sans cela, même si elle éclaire,

même si elle est présente,

elle reste invisible.

La lumière elle-même

n'est jamais directement visible.

Elle n'est vue que par l'intermédiaire

des choses qu'elle éclaire.

Quand on dit qu'on "voit" 

un rayon de lumière,

on voit en fait les grains de poussière

qui renvoient un peu de cette lumière.

Mais la lumière, grâce à laquelle tout est visible,

reste elle-même invisible.

De même, la conscience n'est pas et ne peut

jamais devenir objet de conscience. 

C'est bien grâce à la conscience que tout objet 

devient "visible", apparent, manifeste et qu'il acquiert

son existence. Mais la conscience elle-même

n'est jamais objet de conscience.

Sa clarté se reflète en partie sur les objets,

plus ou moins selon leurs qualités,

comme un objet renvoie plus ou moins

la lumière qu'il reçoit. 

Mais la conscience n'est jamais 

objet de conscience.

Voilà pourquoi, quand il n'y a pas d'objet, de contenu

dont on puisse prendre conscience,

on croit qu'il n'y a pas de conscience.

Comme dans le sommeil profond, 

l'évanouissement ou le coma.

Comme il n'y a pas conscience d'objet,

nous commettons l'erreur de juger

qu'il n'y a pas de conscience du tout.

Alors qu'en réalité, la conscience est présente.

Et c'est grâce à sa présence lumineuse

que nous pouvons dire que nous n'avions

"conscience de rien",

de même que, quand la lumière

n'a rien à éclairer,

nous pouvons dire qu'il

"n'y a rien".

Il n'y a rien, sauf la lumière qui éclaire ce rien.

Il n'y a rien, sauf la conscience qui éclaire ce rien.

Telle est la "pure conscience"

ou "conscience sans objet".

C'est elle dont nous faisons l'expérience chaque nuit,

et aussi entre chaque pensée.

Mais en réalité, nous faisons toujours, 

à chaque instant,

l'expérience de la conscience.

Car aucune expérience n'est possible sans elle.

En fait la conscience est synonyme d'expérience,

tout simplement.

Il n'y a pas d'expérience de la conscience.

Toute expérience est conscience,

de même que la lumière ne peut éclairer la lumière

(qui n'a d’ailleurs pas besoin de lumière,

car elle est lumière),

et que tout objet éclairé est lumière,

sans quoi il ne serait pas visible.

Mais comme la lumière ne peut s'éclairer elle-même

à la manière dont elle éclaire les choses,

on peut dire qu'elle est "ténèbres".

De même, en ce sens précis, 

on peut dire que la conscience est inconscience, inconnaissance absolue.

Voilà pourquoi la conscience n'est jamais absente

(car quelle lumière éclairerait cette absence de lumière ?).

Voilà en quel sens elle est "permanente",

et voilà pourquoi elle est le Soi,

et voilà pourquoi le Soi (âtman)

est l'Absolu (brahman).


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