Magazine Cinéma

"Here's Johnny !!"

Par Damien Barthel

Spoilers...et quelques photos un peu choc !

Ayant récemment reparlé de 2001 : L'Odyssée De L'Espace, je ne pouvais pas m'arrêter en si bon chemin. Autant continuer de parler de Stanley Kubrick, d'en reparler, plutôt. Et de revoir ses films. Aujourd'hui, c'est sur un indéniable classique que je m'attarde, un film sorti en 1980, adapté d'un des plus fameux romans d'un des plus fameux écrivains du XXème siècle : Shining, d'après Stephen King. Je suis un immense fan de cet écrivain (dont le prochain roman sort en fin de mois, au passage, avis aux amateurs qui ignoraient encore cette prochaine actualité kingienne), et Shining, sorti en 1977 aux USA (et en 1979 en France, sous le titre, à la base, de L'Enfant Lumière), est probablement un de ses meilleurs romans, et un de mes préférés. Avant de voir le film de Kubrick, j'avais déjà lu, à de nombreuses reprises, le roman de King. Aussi, imaginez donc à quel point j'avais envie, hâte, de voir le film ! Je connaissais sa réputation de classique de l'épouvante qui file les jetons, je savais que Jack Nicholson y avait une de ses meilleures prestations d'acteur (avec Vol Au-Dessus D'Un Nid De Coucou, c'est le film le plus connu de cet acteur), j'en avais vu des tas d'images, mais j'ignorais quel était le degré de réussite de l'adaptation du roman. Le film respectait-il le roman ou non ? Quelles étaient les différences ? Les détails du roman qui manquent au film ? Les détails du film qui ne sont pas issus du roman ? Live ou Memorex ? L'oeuf ou la poule ? Ce genre de choses.

 

Kubrick a essentiellement adapté des romans, pour ses films. Des romans qui ne sont pas forcément des best-sellers. En fait, si on met de côté Shining, aucun des romans que Kubrick a sélectionnés pour en faire des films n'a été un best-seller. OK, Lolita de Nabokov est un roman qui se vendra très bien (et fera scandale) et est considéré comme un classique moderne. Mais on ne peut pas dire la même chose de L'Orange Mécanique de Burgess, du Barry Lyndon de Thackeray, du Merdier de Gustav Hasford (qui donnera Full Metal Jacket), de La Nouvelle Rêvée de Schnitzler (qui donnera Eyes Wide Shut) et encore moins du (sans doute jamais traduit en français) Red Alert de Peter George qui a servi de base pour Docteur Folamour. Kubrick adorait lire, et quand il avait fini un film, il se lançait dans des marathons de lecture, lisant tout et n'importe quoi, des nouveautés comme des vieilleries, avec pour espoir de tomber sur un truc intéressant à adapter, quelque chose dont il serait susceptible de faire un film intéressant. C'est ainsi qu'il est tombé, soit par hasard, soit par recommandation d'un proche, sur le roman de King, en 1977. Apparemment, le roman venait tout juste d'être publié. Kubrick sentira qu'il pouvait faire quelque chose à partir de ce roman qu'il jugera, cependant du genre passable (bonne histoire, saisissant, mais juste correctement écrit, selon lui). 

Kubrick engage, comme co-scénariste (avec lui), une écrivaine américaine spécialiste du roman gothique, et professeure d'université sur ce sujet, Diane Johnson. Les deux vont s'entendre à merveille et adapter en scénario de film le roman de King, après avoir obtenu de lui l'autorisation d'adapter le roman (qui fut son troisième, et le film, la deuxième adaptation de son oeuvre). Apparemment, Kubrick envisagera dès le départ de donner à Jack Nicholson le rôle principal, aimant beaucoup cet acteur (il en parlera à l'époque comme du Spencer Tracy de sa génération) avec qui il voulait déjà collaborer sur son projet avorté de 1970 Napoléon. Nicholson aurait évidemment eu le rôle-titre. Pour le rôle de Wendy, femme de Jack, décrite dans le roman comme une belle blonde, Kubrick choisira Shelley Duvall, actrice fétiche de Robert Altman qui l'a révélée (et il me semble qu'elle n'avait, à l'époque, quasiment joué que dans des Altman), qui est le polar opposite du personnage du roman : brune, un peu gauche, pas très séduisante, un peu étrange avec son regard vaguement ahuri. Selon Kubrick, jamais Wendy, telle que décrite dans le roman, ne resterait avec un mec tel que Jack Torrance, elle mériterait mieux. Aussi, il fallait un personnage féminin moins glamour que dans le roman. C'est son opinion. Shelley Duvall est juste excellente dans le rôle (elle souffrira pendant le tournage), mais ce n'est pas forcément elle qui était, je pense, la plus parfaite pour jouer Wendy. Le petit garçon qui joue Danny, et qui s'appelle Danny Lloyd, est absolument parfait. Rien à dire. Scatman Crothers, qui joue Hallorann, est excellent, et fut engagé sur recommandation de Nicholson, lequel est, ici, juste bluffant. Voilà pour la distribution. 

La réalisation ? C'est un Kubrick, c'est donc parfait. Voilà pour la mise en scène, donc.

 

L'adaptation ? Ah, là, par contre, il y à des choses à dire. Et pas de très gentilles choses. Je vais être clair : je suis fan de King, et fan de Kubrick, je révère les oeuvres de ces deux personnes. J'avais, comme je l'ai dit, hâte de voir le film, et le jour où je l'ai enfin vu, putain, mon slibard tenait tout seul, je ne vous dis que ça. J'étais aussi excité qu'une tondeuse à gazon face à une chevelure de hippie. Et au fil du visionnage des 115 minutes du film (par la suite, bien après, j'ai eu la chance de voir aussi la version longue, américaine, de 145 minutes, version que j'aimerais beaucoup voir sortir en DVD ou Blu-ray en France, mais ce n'est toujours pas le cas et ne le sera sans doute jamais), j'ai déchanté. Que dire ? Le film est génial, il fout les chocottes bien comme il faut (sa bande-son qui entremêle Penderecki, Lygeti, Bartok et un score original de Wendy Carlos et Rachel Elkind n'y est pas pour rien), on ne s'emmerde pas une seule nanoseconde, mais...son scénario ne respecte vraiment pas le roman. Stepen King s'avouera trahi, et dira pas mal de méchancetés sur Kubrick, Diane Johnson (qui, de son côté, dira du roman qu'il est moyennement écrit, et que King souffre de loghorrée, il en rajoute, en fait des tonnes ; qui a écrit des best-sellers ? Lui ou elle ? Qui se souvient d'elle pour autre chose que sa collaboration avec Kubrick ?) et sur le film. Il en fera même une nouvelle adaptation, en 1997, un TVfilm en trois parties, réalisé par Mick Garris, un film aux effets spéciaux limités et à l'interprétation pas toujours parfaite, mais qui respecte bien mieux le roman. Il a aussi écrit, en 2013, une suite, Docteur Sleep, mais je m'égare (du Nord).

 

Selon King, et je suis d'accord avec lui, le film n'est pas une bonne adaptation en partie à cause de l'interprétation de Nicholson. J'ai dit plus haut qu'il était bluffant dans Shining, et putain, oui, il l'est. Mais King a raison quand il dit que Nicholson semble un peu fou dès le début du film, alors que dans le roman, dans l'histoire tout simplement, son personnage devient fou à cause du pouvoir maléfique de l'hôtel Overlook. Le personnage est un peu torturé dès le départ (dans le roman, on apprend que Jack Torrance est un ancien alcoolo, viré de son boulot de professeur d'université suite à un dérapage de trop, et il a même, autrefois, levé la main sur son enfant, un soir de beuverie, regrettant amèrement ce geste), mais dans le film, les mimiques de Nicholson (entretien d'embauche), ou son visage au contraire un peu fermé (dans la voiture) peuvent laisser penser qu'il a un petit vélo dans la tête avant même que les festivités glauques ne démarrent. Ce qui fausse la donne. Comment penser en effet que c'est l'Overlook Hotel qui le rend dingue s'il le paraît déjà au début ? 🎶 C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup.🎶 Autre point qui diffère totalement entre le roman et le film : la chaudière. Dans le roman, Jack se fait rappeler, par le patron de l'hôtel, Stuart Ullman (qui, dans le roman, est un connard, contrairement au film où Barry Nelson le campe d'une manière très affable, dans une scène d'entretien qui, au passage, sonne très faux, quasiment publicitaire, ce qui est sans doute voulu comme tel), d'entretenir l'antique chaudière du sous-sol, faute de quoi, elle explose et boum, plus d'hôtel. Ce qui finit par arriver à la fin du roman. Dans le film, on oublie. En même temps, l'hôtel, dans le roman, est assez ancien. Dans le film, il a été conçu à la même époque que dans le roman, début XXème siècle, mais semble être, au contraire, un bâtiment assez moderne. Je dois dire que son architecture ne le rend pas très propice à une hantise ! Enfin, parmi les (nombreuses) différences, le traitement réservé à Hallorann. Dans le film, c'est pour le moins expéditif, limite bâclé. 

Bref, j'ai, au début, au cours de mes premiers visionnages, passé de sales quarts d'heures à voir à quel point Kubrick et (grrrr) Johnson (grrrr) avaient massacré le matériau de base. Les qualités du film, car il en a des tonnes aussi, me passaient au-dessus de la tête, pire, je m'en foutais. J'étais presque à clamer haut et fort, sur tous les toits de ma ville, que c'était un mauvais film. Hé ouais ! Ben non, en fait, ç'en est pas un ! Du tout ! Shining est en réalité un chef d'oeuvre, mais du genre irritant. Je l'ai d'abord franchement détesté, puis de moins en moins, puis aimé de mieux en mieux, et si le film n'est pas mon préféré de Kubrick (et ne le sera sans doute jamais), c'est en revanche un de mes films d'épouvante préférés, dans le genre, on a rarement fait mieux. Dès les premières images, ces vues montagneuses (avec une route de crète sur laquelle roule la voiture de Nicholson prises par hélicoptère avec la relecture du "Dies Irae" par Wendy Carlos et Rachel Elkind en bande-son, on est pris de frissons. Pourtant, on ne voit que de la montagne, belles images, mais l'ensemble est saisissant. Claustrophobique malgré l'étendue du panorama. Cabin fever. Et la suite du métrage est du même acabit, par la grâce d'un montage habile et d'une réalisation serrée, par la magie d'une bande-son étourdissante et d'une interprétation au cordeau, Shining est un film flippant de chez flippant de chez flippant de chez flippant. De chez flippant. De chez qui ? Flippant. 

 

Un film codé, aussi, qui regorge(rait) de messages, de pistes, d'indices, de sens cachés. Je vous conseille le visionnage du documentaire Room 237, qui parle du film et de ses secrets. Tout ce qui est raconté dans ce documentaire non-officiel (non approuvé par les ayants-droits de Kubrick) n'est pas fiable, loin de là (celle sur le programme spatial est même embarrassante, surtout pour celui qui l'énonce et qui semble y croire), mais certaines théories, comme celle de l'hommage aux Indiens (de nombreux motifs graphiques des décors sont de style indien, notamment) ou celle en hommage à la Shoah, sont des plus intéressantes. Sans oublier les invraisemblances laissées dans le film. Comment expliquer la présence du labyrinthe de buis, gigantesque, et situé à côté de l'hôtel, quand on ne voit absolument pas ce labyrinthe sur les vues aériennes de l'hôtel au début du film ? Et cette chaise (photos ci-dessus, prises par capture DVD, au cours de la même scène, avec un plan sur Shelley Duvall qui les sépare dans le film) qui, d'un plan à l'autre, disparaît...et réapparaîtra dans le plan suivant ? Erreur de continuité (si c'est le cas, de la part de Kubrick, c'est des plus étonnants) ou manière comme un autre de dire que rien, dans l'hôtel, n'est normal ? On peut aussi citer ce passage où Danny, sur son tricycle, passe apparemment du rez-de-chaussée (ou d'un entresol) à un étage, d'un couloir à l'autre, tout en roulant sur du plat. Ou le bureau de Ullman, avec cette fenêtre qui donne sur l'extérieur, alors que ledit bureau, putain de Dieu, est au centre du lobby, et ne devrait donc pas posséder de fênêtre, ses quatre murs sont 'aveugles' ! 

On le voit, Shining ne se laisse pas révéler d'un coup, il cache pas mal de choses, certaines resteront sans doute à jamais cachées, et c'est tant mieux. Je n'ai toujours pas parlé de l'histoire, Ce  qui est sans doute, après 7 paragraphes bien remplis, une sorte de record sur le blog, mais est-ce utile de rappeler de quoi ça parle ?

 

Oui ? OK, je m'incline.

Jack Torrance est un écrivain au chômage. Il vient d'obtenir un boulot, gardien d'hiver pour un prestigieux palace situé dans le Colorado, en pleine montagne, l'Overlook Hotel. Le palace ferme pour l'hiver (les conditions météo faisant que les routes sont fermées, bloquées par la neige). Jack s'y installe avec sa femme Wendy et leur fils de 4 ans (environ), Danny, lequel est possesseur d'un pouvoir psychique (ignoré de ses parents), le Shining (ou Don, dans le roman en VF), il voit des choses du futur ou du passé, peut communiquer par télépathie. Avant de partir pour l'hôtel, Danny a, par le biais de son 'double imaginaire' Tony, une vision terrifiante, des flots de sang provenant d'une cage d'ascenseur. Jack, de son côté, au cours de l'entretien d'embauche, apprend qu'un précédent gardien a, il y à de celà quelques années, tué sa famille (une femme et deux filles jumelles) à coup de hache avant de se suicider, victime du mal des montagnes (cabin fever). Jack ne s'en affole pas, il compte écrire durant son temps libre. Ils arrivent à l'Overlook, Danny fait la connaissance, le jour de fermeture, avec Hallorann, chef cuisinier du palace, qui possède lui aussi le Shining et lui en parle. Il lui dit de ne pas avoir peur de l'hôtel car il s'y passe des choses parfois curieuses. Il lui dit aussi de rester à l'écart de la chambre 237 (217 dans le roman, mais ce fut changé car l'hôtel ayant servi pour les vues aériennes avait une chambre 217 et craignait qu'à la suite du film elle ne fut plus occupée par des clients craintifs se souvenant du film ; mais ils n'y avait pas de chambre 237, en revanche).

Le début du séjour prolongé (tout l'hiver et une partie du printemps : jusqu'au 1er mai) se passe bien. Mais Danny a parfois des visions étranges : un couple de petites filles jumelles survenant au détour d'un couloir, une balle qui roule vers lui et qui semble venir de nulle part... Un jour, la chambre 237 est, devant lui, ouverte. Il entre, et en sort traumatisé, le cou meurtri, tandis que Jack, de son côté, cauchemarde qu'il tue Wendy et Danny. Apercevant leur gamin avec le pull déchiré et des marques au cou, Wendy pense que c'est Jack qui l'a frappé, ce dernier s'en défend, vous pensez bien, et puis, ce n'est pas lui, il était en plein cauchemar devant sa machine à écrire dans le grand hall. Mais Wendy sait bien qu'ils ne sont que trois dans l'Overlook, et que ce n'est pas elle, donc, forcément... Mais alors que Jack se barre, écoeuré et énervé, dans le bar de l'hôtel (pas pour se bourrer la gueule, le bar est totalement vide, mais pour s'isoler et faire comme si), et découvre que le bar n'est pas vide car le barman, Lloyd (Joe Turkel), s'y trouve bel et bien et lui sert un bourbon (fictif, mais réconfortant), Wendy surgit dans le bar en pleurant, lui affirmant que selon Danny, c'est une femme se trouvant dans la salle de bains de la chambre 237 qui l'a agressé. Jack, qui refuse d'y croire, s'y rend, et va découvrir l'indescriptible, une femme, assez jeune, belle, nue, dans la baignoire, qui sort, l'enlace, il est à la fois effrayé et aux anges...mais elle se transforme en une vieille peau fripée et décomposée, abominable. Jack s'enfuit, et devant Wendy, affirme qu'il n'y avait rien du tout. 

 

A partir de là, tout part en couilles de castor bulgare en t-shirt mauve à pois verts, ils sont piégés par la neige, et Jack va lentement mais sûrement sombrer dans la folie, les fantômes de l'hôtel, vraiment pas gentils, vont essayer de faire avec lui ce qu'ils avaient réussi à faire avec le précédent gardien, Grady, celui qui a exterminé sa famille façon Castorama avant de faire sauter la tête. Un soir, Jack se rend dans la salle de réception de l'Overlook, y entendant du bruit, et il va tomber sur une soirée costumée. Il boit un coup au bar, et se rendant dans la salle, percute par inadvertance un  serveur qui s'excuse de ui avoir renversé un truc sur la veste et l'emmène aux toilettes pour le nettoyer. Cet homme lui dit s'appeler Grady (Philip Stone), Jack lui demande si ce n'est pas lui qui a tué sa famille et était gardien, Grady lui dit que non, Jack a toujours été le gardien ici, et au sujet de sa famille, il faudrait bien qu'il pense à la corriger un peu, Danny et Wendy deviennent ingérables. Au sujet de Danny : ce dernier, sentant bien que son papa ne va pas tarder à leur faire du mal malgré lui, appelle de toutes ses forces Hallorann, par la pensée. En Floride pour ses vacances, il sent le message, va tenter de les joindre par téléphone, mais les lignes sont coupées et la radio de l'hôtel ne marche pas ou plus. Alors il prend la route. Pendant ce temps-là, à l'Overlook, Jack surprend Wendy qui lisait ce qu'il venait de taper à la machine, des dizaines de pages avec une seule et même phrase répétée à l'infini, All work and no play makes Jack a dull boy (en VF, le sous-titrage dit "Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras", mais il aurait mieux fallu traduire pour de bon la phrase, ce qui donnerait "Travailler sans se divertir rend Jack triste sire"). Il y à un jeu de mots dans la phrase, car dans le roman (cette scène y est absente, au passage), Jack tente d'écrire une pièce de théâtre (play, en anglais). Bref. Jack surprend une Wendy affolée, armée d'une batte de base-ball pour se défendre contre un éventuel intrus, et il va la provoquer, lui tourner autour en lui criant dessus, surtout quand elle va commencer à lui parler de quitter les lieux, pour Danny. Alors qu'elle monte les escaliers à rebours tout en se protégeant avec la batte, elle finit par l'assommer avec et l'enferme, inanimé, dans la réserve de la cuisine. 

 

Le soir, Danny, à moitié en transe, se met à hurler, d'une voix de canard (la voix de 'Tony'), Redrum, redrum, l'écrivant même sur la porte de leur chambre, et réveillant Wendy. Voyant le mot sur la porte, dans le reflet du miroir, elle lit murder et envoyant son fils les yeux révulsés, elle panique. Au même moment, alors que Hallorann est sur la route dans un snowcat, Jack est libéré de la réserve par l'hôtel, sous la promesse qu'il va corriger sévèrement son fils et sa femme (sous-entendu...). Il va alors se rendre vers leur chambre, défonçant la porte à coup de hache. Wendy et Danny se cachent dans la salle de bains, elle fait passer le gamin par la fenêtre pour qu'il se cache ailleurs tandis qu'elle parvient à repousser l'assaut de Jack en le blessant légèrement avec un couteau. Entendant du bruit en bas (Hallorann est arrivé et appelle), il descend et le tue à la hache (quand je disais plus haut que le sort réservé à ce personnage, dans le film, était assez expéditif ; dans le roman, Hallorann survit à la fin). Danny s'enfuit au dehors, en direction du labyrinthe de buis, poursuivi par ce qui, autrefois, était Jack mais n'est plus qu'un pantin commandé par l'Overlook. Une poursuite dans le labyrinthe enneigé, illuminé par des spots (mais en pleine nuit) survient alors, le gamin a l'idée de génie d'effacer ses traces, à un moment donné, pour fausser la donne et parvient à s'enfuir, laissant un Jack désorienté et totalement fou errer dans le dédale, tandis que Danny et sa mère partent avec le snowcat de Hallorann. Le lendemain, on voit le corps gelé de Jack, et, dans le lobby de l'hôtel, une photo prise le 4 juillet 1921, dans la salle de bal de l'hôtel. Au premier plan, Jack, souriant, entouré d'autres fêtards. L'Overlook l'a englouti et nul doute que parmi les fantômes, il y en aura désormais un de plus...

Film magistral malgré une adaptation des plus tronquées (dans le roman, on parle pas mal de Tromal, Redrum en anglais, ce qui fait qu'on s'habitue au terme et qu'on s'attend à ce que ça fasse partie de l'intrigue ; dans le film, Redrum, ce mot, seriné par Danny, surgit d'un coup, mis à part deux flashes rapides, et on est pour le moins interloqué, ce demandant ce que ça veut dire et d'où ça vient), Shining est une tuerie de film d'épouvante, un des films les plus flippants que je connaisse. Bien plus terrifiant que d'autres classiques du genre tels L'Exorciste (en revanche, le troisième opus de la série, L'Exorciste, La Suite, que j'ai abordé ici récemment, est bien angoissant) ou La Malédiction. Qui sont de super bons films, des films géniaux même, mais pas des films qui vous retournent le slip de peur. Le montage, serré, y est pour quelque chose (quand Danny aperçoit les deux petites filles jumelles au détour d'un couloir, gros sursaut de peur ; et quand il les voit, et nous aussi, avachies, mortes, dans un couloir gorgé de sang, le temps de deux-trois images quasi subliminales, avec en fond sonore Penderecki et une voix disant Come play with us, Danny, on est vraiment pris de peur), mais la musique aussi. Ces thèmes musicaux, soit composés pour le film soit (essentiellement) utilisés par Kubrick, sont monumentaux et cadrent parfaitement avec le film. Des musiques contemporaines, abstraites, cauchemardesques, stridentes ou sournoises. J'ai enfin réussi à me procurer un vinyle d'époque de la bande originale du film (pochette jaune reprenant l'affiche originale conçue par Saul Bass), lequel album, j'ignore pourquoi, est difficile à trouver, et jamais à bas prix (ou alors, en état pourri). J'ai personnellement dû dépenser presque 50 €, je ne le regrette pas, mais ça fait tout de même une somme. Mais comme je l'ai dit, je ne le regrette pas, car dans le genre ("Lontano", "De Natura Sonoris", "Rocky Mountains", "Awakening Of Jakob"), on a rarement fait mieux, comme musique d'ambiance et de film d'angoisse, que celle de Shining.

De même qu'avec ses séquences cauchemardesques (le labyrinthe, les flots de sang dans l'ascenseur, les jumelles, Nicholson errant, titubant et armé d'une hache, dans le lobby, la femme de la chambre 237 hurlant de rire...), on a rarement fait mieux, dans le genre, que ce film. Inoubliable. Et ce, en dépit de la trahison vis-à-vis du roman. Comme je l'ai dit plus haut, en 1997, Stephen King (qui partage avec le bourreau de son roman les mêmes initiales) fera faire une deuxième adaptation, en TVfilm en trois parties (plus de 4h en tout), réalisé par Mick Garris (un fidèle : on ne compte plus les adaptations télévisuelles en mini-séries qu'il a faites de l'univers de King), baptisée, en VF, Shining, Les Couloirs Du Temps. On y trouve Stephen Weber, Rebecca De Mornay, Melvin Van Peebles, Elliott Gould, Pat Hingle. Les acteurs sont pas mal (même si Weber ne parvient pas à faire oublier Nicholson, il est plus proche du personnage tel que décrit dans le roman, psychologiquement parlant), l'adaptation respecte très bien le roman, l'hôtel filmé en extérieurs est même le Stanley Hotel qui servira de modèle à King pour son Overlook...mais les effets spéciaux sont un peu moyens, la réalisation et le montage ne sont pas aussi immenses (évidemment) que dans le film de Kubrick, et 4h30, c'est long. Bref, une meilleure adaptation, mais sans aucun style. En comparaison, le film de Kubrick n'adapte pas très bien le roman, mais quelle classe il a, en revanche ! Avec le recul, même si j'adore la version de Mick Garris, c'est vers celle de Kubrick, malgré tout, que je me tourne.

 

Et pour finir avec ce long article, sachez que la version longue de Shining (le film de Kubrick), qui rajoute une demi-heure, propose des séquences situées, au début, dans l'appartement des Torrance (avant qu'ils ne partent pour l'Overlook), notamment une séquence avec un médecin (l'actrice la jouant, Anne Jackson, est créditée au générique du film, y compris la version définitive de 115 minutes, malgré tout). On a aussi une séquence entre Hallorann et un garagiste lui louant le snowcat (là aussi, l'acteur, Tony Burton, bien que n'apparaissant pas du tout dans la version courte, est crédité au générique), une séquence montrant Wendy et Danny regarder Un Eté 42 à la TV, et surtout le final du film, Wendy et Danny à l'hôpital, avec Ullman qui leur rend visite et remet à Danny une petite balle jaune, celle qui, dans le film, surgit de nulle part dans le couloir. Ce qui signifie qu'Ullman n'ignore absolument pas ce qui se passe dans son hôtel... Cette version longue, sortie uniquement aux USA (Kubrick fera raboter le film de cette demi-heure à la dernière minute avant la sortie internationale), existe en DVD et BR aux USA, et il existe une édition BR italienne qui la propose, avec des sous-titres français. Mais pas de DVD ou BR français pour le moment. Ayant vu les deux versions, je dois dire que mon coeur balance plus pour la courte, j'y suis plus habitué, mais la version américaine est vraiment très réussie et intéressante. A noter que si vous voulez regarder, j'en parle bien plus haut, le documentaire Room 237 qui parle du film de Kubrick et de ses nombreux messages apparemment cachés, c'est la version longue qui est prise comme référence, pas la courte... Voilà, pour finir, je pense avoir tout dit. Ce film est un monstre du genre !


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