Magazine Cinéma

Documentaire de fiction autobiographique

Par Damien Barthel

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Ce film n'est, hélas, pas des plus connus, j'espère donc que vous le découvrirez en lisant cet article, que vous aurez envie de le voir, et qu'il vous enchantera comme il l'a fait pour moi. Si vous aimez l'oeuvre de Federico Fellini, d'un autre côté, il se peut que vous connaissiez ce film, que vous l'ayez vu, ou du moins que vous en ayez entendu parler. Ce film date de 1970 et est assez à part dans la filmographie imposante (et riche en classiques) de l'Italien. Ce n'est pas un film, mais un documentaire. Mais ce n'est pas qu'un documentaire : il contient, en fait, trois parties distinctes (d'ailleurs, l'édition DVD chez MK2 montre le chapitrage en trois colonnes, une par partie) : une partie de fiction autoiographique à la Amarcord, une de documentaire et une de...spectacle filmé, on va dire ça. Malgré qu'il soit constitué de trois parties (la seconde et la plus longue), le film n'est pas long du tout, il dure 90 minutes en tout et pour tout. Il s'appelle Les Clowns. Avec Fellini Roma et Amarcord (tous deux faits juste après), c'est mon préféré de Fellini, et probablement un de ses plus beaux films. Film qui sera d'ailleurs unanimement qualifié de réussite, de magnificence visuelle et poétique, à sa sortie. Bien que documentaire, ce film bénéficie de la participation, dans leurs propres rôles, de Fellini lui-même, d'Anita Ekberg, Pierre Etaix, Annie Fratellini, Alvaro Vitali. Pour ce dernier, il n'est en fait pas vraiment dans son propre rôle, mais dans le rôle d'unpreneur de son du nom d'Alvaro !

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Les Clowns (I Clowns en italien) est un film vraiment à part dans la filmographie de Fellini. Comme je l'ai dit, il est en trois parties, de durée fort inégales (la première dure moins de 20 minutes ; la dernière en dure 20 ; celle du milieu dure quasiment une heure). La première est autobiographique et se passe dans les années 30/40. On y voit un petit garçon qui, se levant en pleine nuit car il a entendu du bruit dans la rue, aperçoit un cirque itinérant en train de s'installer, on dresse le chapiteau. Le lendemain, il assiste au spectacle : dressage de lions, acrobates, cracheurs de feu, acrobaties équestres, freaks, et les fameux clowns qui, en pagaille, alternent les pitreries. Au point de faire pleurer le gamin qui, la voix-off (celle de Fellini) l'expliquant, a eu peur des clowns. D'ailleurs, les clowns font souvent peur aux enfants, dans un premier temps, leurs maquillages et attitudes exagérées pouvant être assez impressionnants. Fellini, ensuite, nous montre, toujours dans cette première partie, ce qui, dans son village (il est né en Emilie-Romagne, dans la campagne italienne, à Rimini, mais ce n'est pas forcément là que ça se passe et a été tourné), pouvait faire office de clowns : une religieuse naine ; un chef de gare moqué de tous et très enclin aux coups de gueule homériques ; un vétéran de la Grande Guerre, mutilé, et son infirmière fan de Mussolini ; un poivrot un peu paumé, qui n'a pas la lumière dans toutes les pièces de son cerveau, et qui se prend pour un héros de guerre ; les alcoolos du village ; les séducteurs du village qui se prennent pour des Rudolf Valentino d'opérette ; et le fameux idiot du village, évidemment, qui cherche tout le temps à lutiner les paysannes qui le grondent en rigolant à moitié. Cette première partie est très proche de ce que Fellini nous montrera dans Amarcord en 1973, film autobiographique sublime (son meilleur film), on y retrouvera pas mal de ce genre de personnages.

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Dans la seconde partie (on y passe d'un coup, sans carton annonciateur), on voit Fellini et son équipe, réduite, de tournage (caméraman, preneur de son, secrétaire chargée de lire, à l'écran, des notes...), en train de préparer le film, puis de le filmer, essentiellement en France, à Paris et ses environs, afin de remonter la source des clowns de cirque. Fellini fait intervenir, durant la quasi-heure de cette seconde partie, diverses personnes qu'il rencontre, notamment Tristan Rémy, un spécialiste. Une séquence montre Anita Ekberg devant une cage à tigres, une tigresse devant d'autres fauves, immortalisée en train de rire, filmée par un Fellini sans doute amusé de la rencontre. A Paris, on découvre le Cirque d'Hiver, on voit Bouglione observer, d'un oeil impassible, le numéro d'un jeune artiste et de sa jeune assistante (on apprend qu'il s'agirait d'une des filles de Chaplin, incognito) ; Fellini et sa troupe rencontrent diverses légendes de la clownerie de cirque : la famille Fratellini et le réalisateur Pierre Etaix (marié à Annie Fratellini), George Loriot (qui joua Tournesol dans le premier film avec acteurs adapté de Tintin, pour l'anecdote), Bario (qui, dans un premier temps, refuse de se montrer, trop nostalgique pour parler, et qui finit par céder, moment assez touchant). On apprend les codes de la clownerie (le clown blanc et l'auguste ; le premier est sérieux, le second ne fait que des conneries et le clown blanc est son souffre-douleur et son bourreau en même temps), on apprend qu'un vieux clown est mort de rire en assistant au spectacle du fameux clown noir Chocolat (dont on tirera un film avec Omar Sy) et on découvre des images d'archives sur un des plus grands clowns d'antan, Rhum, mort jeune. 

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Dans la dernière partie, qui est personnellement celle que j'aime le moins, Fellini organise un grand spectacle de clowns d'une vingtaine de minutes, dans un décor de chapiteau de cirque, autour de la mort du clown. C'est un fait, les clowns d'antan ne font plus trop recette, remplacés par d'autres qui font rire autrement. On a donc, dans cette dernière partie, un grand spectacle délirant de clowns éplorés autour de la dépouille d'un clown, enchaînant les pitreries l'une après l'autre. C'est du Fellini, donc ça part dans tous les sens, mais pour le coup, c'est peut-être un peu longuet, malgré que ça ne dure que 20 minutes. Mais c'est un final certes original et rendant bien hommage à la profession, mais un peu décevant quand même, un peu faiblard. Il n'empêche que Les Clowns est un remarquable documentaire, ou essai, ou docufiction, enfin, un remarquable film, dans lequel Fellini nous parle de sa fascination pour le cirque, fascination partagée par bon nombre de personnes, sinon, le succès des émissions sur le cirque, à la TV, ne s'expliquerait pas. Un film sublime, pas totalement parfait, mais totalement fellinien, à voir absolument. 


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