(Anthologie permanente), Ahmad Chamlou

Alain Lance a proposé à Poezibao ce poème du poète iranien Ahmad Chamlou
Carte blanche pour cette « anthologie permanente » à Alain Lance, qui a écrit à Poezibao :  « comme vous le savez sans doute, j'ai une relation ancienne avec l'Iran. J'y étais professeur de français de 1966 à 1968 puis Renate, mon épouse, et moi y sommes retournés en 1999, en 2001 et en 2005 (cette année-là avec la Caravane des poètes). Je suis avec inquiétude et espoir les événements dans ce pays. Et cela m'a donné l'idée de vous envoyer pour Poezibao ce poème d'Ahmad Chamlou, un des grands poètes de ce pays, (1925 -2000) que nous avions revu en 1999. C'était un opposant au régime du Chah mais aussi au règne des mollahs. Et je vous envoie pour Poezibao ce poème qu'il a écrit dès juillet 1979, soit quelques mois après la proclamation de la République islamique. Il figure dans l'anthologie que j'avais publiée avec Chahrachoub Amirchahi  en 1980, Iran. Poésie et autres rubriques, collection action poétique, François Maspero.
Dans cette impasse
On renifle tes lèvres
Pour savoir si elles ont dit je t’aime
On renifle ton cœur
   drôle de temps, ami
L’amour est fouetté
À côté du garde-fou
   Il faut cacher l’amour dans le cagibi.
Dans cette impasse tortueuse du froid
Le feu reste vif
   alimenté par le chant et la poésie
Ne te risque pas à penser
   drôle de temps, ami
Celui qui la nuit cogne à la porte
Est venu pour étouffer la lampe
   Il faut cacher la lumière dans le cagibi.
Voici que les bouchers
S’installent au carrefour
Avec le billot et la hache sanglante
   drôle de temps, ami
Ils procèdent à l’ablation du sourire
Sur les lèvres
Et du chant
Dans la gorge
   Il faut cacher l’enthousiasme dans le cagibi.
On fait griller les canaris
Sur un feu de jasmin et de lys
   drôle de temps, ami.
Satan, ivre et triomphant
Fait ripaille à notre banquet de deuil.
   Il faut cacher Dieu dans le cagibi.
Juillet 1979
‎Chahrâchoub AmirchâhI et Alain Lance, Iran. Poésie et autres rubriques, collection action poétique, François Maspero, 133p., 1980