Aredius attire mon attention sur un titre alléchant :
Cinq siècles après, des chercheurs déchiffrent la « lettre cryptée » de Charles Quint
Un article ici .
Du coup, je retrouve un billet que j'avais écrit et publié ici en 2008 qui raconte l’histoire d’un cryptographe (qui décrypte des textes) et de son ami sémioticien (qui s’occupe de décrypter le sens, les signes...). Le cryptographe travaille sur le Voynich ce fameux document mystérieux apparu en 1666. Le texte est enluminé de bleu, de jaune, de rouge, de brun et de vert. Les dessins représentent des femmes nues de petite taille, des diagrammes astronomiques et environ quatre cents plantes imaginaires. Aloïs, le sémioticien, est un adepte de Greimas à qui j'ai piqué cette phrase imbitable sur le sens. Le texte est sous l’illustration suivi d’une petite définition des mots
Croyez-moi, la vie du cryptographe est épuisante, plus dure encore que celle du sémioticien. J’ai encore passé la nuit à essayer de décoder le Voynich, ce manuscrit sans doute apocryphe et probablement basée sur l’uchronie. Vers les cinq heures du matin, j’étais presque certain que je le tenais. Les petites femmes nues en bleu flirtaient avec les voyelles, celles en jaune et rouge pointait lascivement les consonnes… les mille plantes imaginaires se lisaient comme des idéogrammes et les dessins astronomiques ponctuaient le tout. Avec un peu de sérendipité et sans pierre de rosette, j’avais percé tous pièges et autres cryptolemmes du Voynich. Et puis non. Vers les six heures, sous mes yeux ébahis, la jungle a repris le dessus, emplies d’affreux pornithorynques.
Je ne voudrais pas ennuyer le lecteur avec mes problèmes d’insomnie et de petites femmes nues en étalant ici mon acribie. Je voulais simplement vous parler des ennuis d’Aloïs, mon meilleur ami, tabellion minutieux et grand sémioticien. Aloïs, un cryptonyme, prétend, à l’instar du grand Greimas, qu’il est difficile de parler du sens et d'en dire quelque chose de sensé et que, pour le faire convenablement, l'unique moyen serait de construire un langage à base de cryptomnésie et qui ne signifierait rien... Foin des métalepses glissantes, je me suis dit : voilà une bonne question qui pourrait faire l’objet d’une écritude.
Sans contrepèterie, la littérature regorge de gens qui utilisent un langage de peu de sens pour dire des choses insensées. Les sémioticiens se penchent sur la question, Aloïs a décidé d’y consacrer sa vie. Le malheur, c’est que depuis qu’il se pose ce genre de question, non seulement, il ne dort plus mais il est victime d’une panne des sens. Sa femme, la belle Hélène, connue pour sa beauté et l'incandescence de sa libido, en est toute tourneboulée. Que faire ?
J’ai suggéré à Aloïs de s’intéresser aux petites femmes nues du Voynich, mais je ne me fais guère d’illusions, le pouvoir érotique de la cryptographie est bien mince pour un vrai sémioticien. Alors, en attendant qu’il retrouve une partie de ses sens, j’ai décidé de me sacrifier. Je vais abandonner le Voynich et passer toutes mes nuits avec Hélène, en toute indécence. Je ne dormirais peut-être guère plus mais je pense que je décrypterai bien mieux le vrai sens de la vie.
Uchronie – Réécriture de l’histoire
Serendépité – Art de faire des découvertes heureuses
Cryptolemme – Rébus
Pornythorinque – Animal chimérique, un peu salopard et même vicelard.
Acribie - précision, exactitude, rigueur, minutie
Tabellion – Notaire - Qui tient des comptes précis.
Cryptonyme – Faux nom
Cryptomnésie – Ecriture automatique
Métalespse – Changement (glissement) de sens
Ecritude - Mot valise composé d'écriture et étude