Après le corbeau et l’aigrette, vient le cormoran et avec lui toute la mer, et avec elle tout le poème. Le cormoran gobe ses proies
« Gobe gobe l’anguille couleur de terre
L’anguille au goût de vieille lie quand la saison digère
Qu’elle fait du gras si près des berges gobe
La plie petite
Et blanche par son dessous tout frotté de galets
(…)
La seule écharpe du vent te prend au mot »
L’eau est partout, la parole aussi : « Sur le halage les langues se délient » ; et puis « d’un coup » c’est « Comme une plante qui tourne dans la nuit comme / Un poème qui précipite / Et puis durcit soudain / Et s’éclaire finalement de toutes ses ombres / Rameutées ».
L’enfance, toujours l’enfance est proche et « La mémoire abîmée peut-être / Comme un chant de marins quand les mots / Flottent encore ».
Puis le cormoran s’en va, le « tu » du premier vers revient, celui du « Dis / Dis qu’encore tu le vois ». Et, à la fin :
« Tu ne dis rien c’est à peine si tu le vois
D’ailleurs depuis longtemps
L’oiseau n’est plus
Qu’une petite ombre au tableau
Un fin silence
Noir ».
Ainsi passent le jour, le vent, le flot et la parole.
Le poème est extrait du recueil de Marc Le Gros, Tétralogie des oiseaux du halage. L’image ci-dessus est un tableau de Vonnick Caroff, photographié par Liza Guillamot.