Napoléon II, Duc de Reischtadt, Roi de Rome.
Napoléon II, roi de Rome, prince de Parme, duc de Reichstadt, Aiglon*...
Venu trop tard dans un monde sur le point de s'abîmer, le roi de Rome vit l'exil...Né français, il est éduqué en prince autrichien, à Vienne. Plus précisément au château de Schönbrunn dont les décors ont gardé la mémoire de son passage. Schönbrunn sera son palais et sa prison...**
L'Archiduchesse, Dietrichstein (précepteur du duc ), Le ducL'Archiduchesse, à Dietrichstein
Le duc n'a-t-il donc pas toute sa liberté ?
Le ducDietrichstein
Oh ! le prince n'est pas prisonnier, mais...
- J'admire
Ce mais ! Sentez-vous tout ce que ce mais veut dire ?
Mon Dieu, je ne suis pas prisonnier, mais... Voilà.
Mais... Pas prisonnier, mais... C'est le terme. C'est la
Formule. Prisonnier ?... Oh ! pas une seconde !
Mais... il y a toujours autour de moi du monde.
Prisonnier ! croyez bien que je ne le suis pas !
Mais... s'ilme plaît risquer, au fond du parc, un pas,
Il fleurit tout de suite un oeil sous chaque feuille.
Je ne suis certes pas prisonnier, mais... qu'on veuille
Me parler privément, sur le bois de l'huis
Pousse ce champignon : l'oreille ! - Je ne suis
Vraiment pas prisonnier, mais... qu'à cheval je sorte,
Je sens le doux honneur d'une invisible escorte.
Je ne suis pas le moins du monde prisonnier !
Mais... je suis le second à lire mon courrier.
Pas prisonnier du tout ! mais... chaque nuit on place
À ma porte un laquais, -
Montrant un grand gaillard grisonnant qui est venu reprendre le plateau, et traverse le salon pour l'emporter.
tenez, celui qui passe !
Moi, le duc de Reichstadt, un prisonnier ?... jamais !
Un prisonnier !... Je suis un pas-prisonnier-mais.
Prokesch, (un ami, longtemps interdit de visite*** .), Le duc
Prokesch, qui feuillette des livres sur la table.
on vous laisse tout lire ?...
Le duc
Tout ! IL est loin le temps où Fanny, pour m'instruire,
Apprenait des récits pas cœur ! - Plus tard j'obtins
Que quelqu'un me passât des livres clandestins.
La bonne archiduchesse ?
Le duc
Oui. Chaque jour, un livre.
Dans ma chambre, le soir, je lisais ; j'étais ivre.
Et puis, quand j'avais lu, pour cacher le délit,
Je lançais le volume en haut du ciel-de-lit !
Les livres s'entassaient dans ce creux d'ombre noire,
Si bien que je dormais sous un dôme d'Histoire.
Et, le jour, tout cela restait tranquille, mais
Tout cela s'éveillait dès que je m'endormais ;
De ces pages, alors, qui les pressaient entre elles,
Les batailles sortaient en s'étirant les ailes !
Des feuilles de laurier pleuvaient sur mes yeux clos ;
Austerlitz descendait tout le long des rideaux ;
Iéna se suspendait au gland qui les relève,
Pour se laisser tomber, tout d'un coup, dans mon rêve !
- Or, un jour que chez moi, Metternich****, gravement,
Me racontait mon père, à sa guise !... au moment
Où, très doux, j'avais l'air tout à fait de le croire,
Voilà mon baldaquin qui croule sous la gloire !
Cent livres, dans ma chambre, agitent un seul nom
En battant des feuillets !
Prokesch
Metternich bondit ?
Le duc
Non.
Calme, il me dit, avec son sourire d'évêque :
Edmond Rostand, extraits de "L'Aiglon", Drame en six actes, en vers, représenté pour la première fois au théâtre Sarah Bernard le 15 mars 1900." Pourquoi placer si haut votre bibliotjèque ? "
Et Sortit... Depuis lors je lis ce que je veux...
* Jean Tulard, "Avant-propos", Napoléon II, Fayard, 1992
** Sylvain Ledda, présentation de la pièce L'Aiglon, Flammarion 2018
***ndlr
**** Metternich