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Un Poème Japonais contemporain sur le Voyage

Par Etcetera
Un Poème Japonais contemporain sur le Voyage

J’ai trouvé ce poème dans l’anthologie « 101 Poèmes du Japon d’aujourd’hui » publiée aux éditions Philippe Picquier en 2014 dans sa traduction française par Yves-Marie Allioux et Dominique Palmé, et originellement publié au Japon en 1998.
J’ai trouvé ce poème intéressant et beau, par les liens qu’il tisse entre voyage, écriture, blessure, mère et pays d’origine, et aussi la référence à Paul Celan.
Comme il m’a touchée et que je ne connaissais pas du tout ce poète japonais, j’ai eu envie de le diffuser ici.

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Iijima Kôichi (1930-2013)
Poète, romancier et traducteur japonais, il fut enseignant à l’Université de Tokyo. Il était membre de la Japan Art Academy. D’abord proche du surréalisme, il a traduit ou écrit à propos d’écrivains ou d’artistes comme Henri Barbusse, Antonin Artaud, Joan Miro, Brassaï, Henry Miller, Apollinaire, Marcel Aymé, etc.
(Source : Wikipédia et éditeur)

Langue Maternelle

Pendant mes six mois de séjour à l’étranger
Pas une seule fois je n’ai eu envie
D’écrire des poèmes
Ayant tout oublié de moi-même
Je marchais et marchais encore
Quand on me demandait pourquoi je n’écrivais pas de poème
Je n’étais jamais capable de répondre.

Après mon retour au Japon
Bientôt
L’envie d’écrire des poèmes m’est revenue
A présent enfin
Je comprends ces six mois
Pendant lesquels j’ai pu marcher sans écrire de poèmes.
Car me voici de retour
Dans la langue du pays de ma mère.

« Langue maternelle », où sont unis
La mère, le pays et la langue
De ma mère, de mon pays et de ma langue
Je suis coupé, n’ai-je cessé de me redire pendant les six mois
Où j’ai marché au sein de la réalité
Sans me blesser.
Sans presque ressentir le besoin
D’écrire des poèmes.

En avril Paul Celan
S’est suicidé en se jetant dans la Seine,
Et cet acte du poète d’origine juive,
J’ai l’impression de le comprendre.
La poésie, c’est quelque chose de triste
La poésie, cela sert, dit-on, à corriger la langue de la nation
Mais pas pour moi
Moi, avec ma langue maternelle, je me blesse chaque jour
Moi je suis obligé de repartir
Chaque soir vers une autre langue maternelle
C’est ce qui me pousse à écrire des poèmes – ce qui me pousse à exister davantage.

(1974)

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J’ai publié cet article pour mon Mois Thématique sur le voyage de janvier 2023.


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