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"Topographie de la terreur" de Régis Descott

Par Cassiopea

Topographie de la terreur
Auteur: Régis Descott
Éditions : L’Archipel (19 Janvier 2023)
ISBN : 978-2809846300
320 pages

Quatrième de couverture

Gerhard Lenz, commissaire à la KriPo à Berlin, doit enquêter sur une série d'assassinats dont les mises en scène semblent ritualisées. Une investigation qui le conduira dans le dédale des administrations du Reich et lui fera découvrir l'ampleur du programme d'euthanasie de masse gardé secret par les autorités...

Mon avis

Le combat d’un homme….

1942, Gerhard Lenz est commissaire à la KriPo à Berlin. Il se retrouve à enquêter sur des assassinats qui semblent mis en scène. Il s’interroge et essaie de comprendre les motivations du tueur. En parallèle, tout le programme d’extermination des juifs commence à lui peser. Il ouvre les yeux sur les horreurs perpétrées par le régime nazi, la volonté d’exterminer ceux qui ne rentrent pas dans la norme : juifs, homosexuels, etc…  Comme dans sa vie personnelle, il côtoie des personnes en danger, il prend de plus en plus conscience de la violence, de l’iniquité de ce « programme ». De par son activité professionnelle, il ne peut montrer son ressenti et il se doit de lutter, le plus discrètement possible, dans l’ombre, sans partager ses sentiments.

L’auteur le dit dans ses notes (au demeurant très intéressantes) en fin d’ouvrage, il a eu « pour ambition d’étudier le courage et les possibilités de résistance d’un individu face à une organisation ou un Etat totalitaire. » Beaucoup de ses personnages ont réellement existé et le contexte historique, riche et détaillé, plonge le lecteur au cœur de l’atmosphère de l’époque à Berlin. On se sentirait presque surveillé en lisant ! D’ailleurs on ressent parfaitement l’équilibre précaire dans lequel se trouve le commissaire, il est sans cesse sur le fil. Il réalise bien que ses supérieurs, voire ses collègues, ont des doutes sur sa probité envers le régime. Il fait tout pour rester de marbre, quelles que soient les circonstances, même dans les situations les plus délicates où il est à deux doigts d’être mis en face de ses actions considérées comme des faux pas graves. Ce qui est captivant dans ce roman, à la fois historique et polar, c’est de suivre l’évolution de cet homme. Au fur et à mesure de sa conscientisation, il devient plus proche de ceux qu’il aime, quitte à se mettre en danger, et il est de plus en plus humain. Au début du récit, on le sent tiraillé entre sa conscience et son cœur mais plus il avance dans ses constats, plus ses décisions se précisent, plus il assume ce qu’il pense. Je dirai qu’il n’a plus peur et qu’il devient l’homme qu’il a choisi d’être. C’est sa volonté profonde qui s’installe au fil des pages.

L’atmosphère lourde, chargée de suspicion, est parfaitement retranscrite. On sent le poids de la surveillance des nazis sur les hommes et les femmes qui essaient de leur échapper. C’est étouffant et très bien brossé. La peur suinte dans les pages, le mépris de ceux qui s’imaginent plus forts également. On découvre des hommes et des femmes qui agissent dans l’ombre, au péril de leur vie, pour en maintenir d’autres en vie, ils les cachent, les accueillent, les aident, parce qu’ils ne supportent pas l’injustice.

Les deux approches : l’enquête et le questionnement de Gerhard Lenz se complètent parfaitement, on ne sent pas de clivage entre les deux. Tout est lié et il y a un très bon équilibre dans le contenu qui mêle en plus des individus fictifs à ceux qui ont existé. L’écriture et le style sont fluides et accrocheurs. Il y a du rythme, des rebondissements. L’auteur n’en fait jamais trop, il présente avec précision les faits, analyse les émotions des protagonistes, nous communique leur peur, leurs espoirs, leur souhaits … J’ai aimé l’idée que certains, nés du « mauvais côté » se battent pour un monde plus juste, contre l’inacceptable, l’indicible. Tant qu’il y aura des hommes comme Gerhard, la petite fleur espérance vivra et on pourra croire en l’avenir. Et puis, les convictions que cet homme a fini par épouser, il a su les transmettre et si d’aventure, lui ne pouvait plus agir, d’autres reprendront la bataille et la rébellion continuera de s’organiser…. 


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