Lancé en 2014, le service de transport alimentaire Uber Eats est un service de livraison de repas commandé en ligne dans vos restaurants préférés. Les repas sont livrés en voiture, en scooters, en vélo, parfois même à pieds. Le service est opérationnel dans plus de 6000 villes dans le monde, et dans 45 pays différents. On établit des ententes avec les restaurants participants (ou pas), et en général, on travaille en parallèle des lois de la concurrence locale. Ça froisse certains autres commerces et gouvernements.
Certaines villes refusent qu'Uber Eats y opère et une poursuite est entamée contre eux pour "manipulation de prix" et avoir ainsi forcé certains restaurants à afficher les même prix pour les repas en livraison que ceux en salle. Durant la pandémie, tout comme l'entreprise pour laquelle je bosse, Uber Eats a fait fortune. Alors que quitter la maison et entrer en contact avec les gens étaient limité, leurs profits déjà importants, ont augmenté de 30%. DoorDash, GrubHub, Postmates* se sont associés pour les poursuivre aussi afin de briser le monopole imposé qu'ils ont forcé danc certains contrats avec les restaurants qui forcent ces derniers à utiliser une application donnant à Uber Eats une commission allant parfois jusqu'à 35%.
Mon fils est un grand consommateur de Uber Eats, et certains de ses amis ont même été chauffeurs. C'est payant dit-on.
Mais c'est aussi parfois grotesque.
Mickaël est un excellent chauffeur et un travailleur très efficace. Il peut substantiellement gagner un très fort montant par semaine, selon ses rendements. Et il accumule les chiffres. Toutefois, chaque semaine, il reçoit le même message qui va comme suit: "Tu t'es mérité beaucoup cette semaine- c'est très bien ! Mais il est impossible pour nous de transférer autant d'argent en une seule semaine. Tu recevras le reste de tes gains accumulés dans les semaines plus creuses"
Impossible pour nous de transférer autant d'argent en une seule semaine...
L'entreprise qui fait des milliards...

Mais pour Albert, Uber Eats est un miracle. Albert pèse 420 livres. Peine à se mobiliser. Ne bouge presque plus parce que son obésité morbide le condamne non seulement à la mobilité réduite, mais aussi à un certain isolement. Albert faisait livrer son épicerie, mais au lieu d'accumuler dans un frigo qu'il est seul à investir, il se contente de repas éphémère, des repas commandé sur Uber Eats. Toutle temps.


"Ça ne fait pas 5-6 fois que je viens ici moi ? " dit alors Mickaël, à Albert. "En très peu de temps...genre?"

"Ouais, en effet, pis je peux pas dire que ça m'enchante tant, des commandes pour un gars tout seul, c'est pas aussi payant pour mes livraisons, et en plus je serai pas payé pour mes 10-12 prochaines livraisons... Qouique tu commandes fort..."
Albert n'en avait rien à foutre. Il avait Limon Sardie à satisfaire, client laid, imbécile, et déséquilibré.
De retour à son ordinateur, Albert se réécrasa sur son siège afin de pianoter à son clavier. Tout en mangeant son six morceaux de Poulet Frit Kentucky. Il a bossé comme un fou toute la nuit.

Surexcité par une jeune femme qui était tout ce qu'il ne serait jamais, sculpturale, il a soudainement vu ses 43 ans de vie lui passer devant les yeux.
Son coeur a lâché. Il est mort nu dans sa cuisine.

À la porte d'Albert, gisait du McGros McDonald.
Dans sa cuisine, gisait Albert.
Mickaël songeait à une période creuse. Où il serait enfin payé.
Limon Sardie ne verrait jamais sa crypto le rendre riche.
*Postmates est acheté par Uber Eats depuis 2020.
