Magazine Beaux Arts

L’art textile en France (1)

Publié le 02 février 2023 par Anniecac @AnnieCdeParis

Après avoir occupé depuis des siècles une place prépondérante en matière de production textile, la France se distingue aujourd’hui encore dans les domaines de la mode et de la haute couture. Dans presque toutes les branches de l’activité textile, ce pays est à l’origine d’ouvrages d’une excellente qualité technique et artistique : tapisseries, soieries, dentelles, broderies et étoffes imprimées, notamment, rivalisent par la créativité et la virtuosité mises en œuvre.

Le plus ancien témoignage textile retrouvé en France est un fragment de corde en fibres végétales daté du paléolithique, découvert dans la grotte de Lascaux : dès cette période extrêmement précoce, les habitants de ce territoire savaient filer et tordre les fibres végétales, première étape d’un processus de plus en plus complexe. Les plus anciennes preuves de tissage – des restes de toiles de lin – remontent au néolithique ; elles ont été exhumées du fond du lac de Chalain, dans le Jura. Des fibres de laine figurant parmi les plus anciennes d’Europe proviennent également de cette région. En outre, l’un des tout premiers témoins du tissage du sergé en Europe a été découvert en Indre-et-Loire : c’est un fragment d’étoffe de lin – un chevron – de l’âge du bronze, datant d’environ 800 ans avant notre ère.

A partir de l’âge du fer, les textiles se diversifièrent ; le tissage aux cartons fit également son apparition. L’époque romaine, ensuite, nous a laissé deux vêtements à peu près complets, les seuls costumes romains conservés au nord de la Méditerranée : il s’agit de deux tuniques, l’une en armure panama, l’autre en laine, accompagnée d’une paire de bas de laine en sergé et d’une ceinture en reps, découvertes, pour la première, à Bourges et, pour la seconde, aux Martres-de-Veyre dans le Puy-de-Dôme.

La période mérovingienne a fourni plusieurs éléments textiles d’une grande valeur, les plus célèbres étant les vêtements fort bien conservés du tombeau présumé de la reine Arégonde (épouse de Clotaire Ier et belle-fille de Clovis, qui vécut au VIème siècle après JC) à Saint-Denis, grâce auxquels on a pu reconstituer un costume mérovingien presque complet. La reine était vêtue d’une chainse de lin fin, recouverte d’une tunique de soie pourpre, toutes deux tombant aux genoux, ainsi que d’un bliaud de soie rouge. Elle portait également un voile de soie, des bas de lin et une cape de laine rouge, frôlant le sol. La tombe d’une autre reine mérovingienne, Bathilde, qui mourut à Chelles vers 680, nous a livré, outre un manteau en demi-cercle de taffetas de soie, deux très belles bandes de tissage aux cartons décorées de figures animales et géométriques. D’autres fouilles enfin nous ont mis en présence de galons rehaussés de fils d’or.

Au XIIème siècle, Paris tenait déjà un rôle déterminant dans la vie spirituelle de l’Europe. L’université de la Sorbonne, dont l’enseignement à dominante théologique était accessible aux étudiants de tous les pays, constituait l’un des atouts majeurs de la ville. Malgré les ravages de la guerre de Cent Ans, la richesse de la France s’accroissait et les goûts de luxe de plus en plus prononcés de la cour encouragèrent le développement des arts et de l’artisanat. Forts de l’extension considérable du marché, les professionnels du textile s’organisèrent en corporation, qui insufflèrent une vigueur nouvelle aux productions de ce domaine avec, en premier lieu, la broderie, le tissage – en particulier les soieries – et la tapisserie.

La broderie – Répandue en Occident depuis l’époque des premières croisades, la broderie a d’abord été consacrée à des usages religieux ; jusqu’au XIVème siècle, en effet, elle servit surtout à orner les textiles liturgiques, la célèbre tapisserie de Bayeux de la fin du XIème siècle constituant peut-être la principale exception. La France se distingua par sa maîtrise exceptionnelle du travail de la soie et du métal.

Puisant leur inspiration dans les autres arts – ferronnerie, architecture et peinture essentiellement -, les brodeurs se spécialisèrent, qui dans la confection d’aumônières, qui dans celle de chasubles, par exemple. Puis, à partir du XIVème siècle, la broderie profane prit son essor et les artisans mirent également leur savoir-faire au service des seigneurs et de la cour, en décorant richement costumes et textiles d’ameublement. Evoluant avec le temps, cette activité se poursuivit avec plus ou moins de bonheur jusqu’au siècle de Louis XIV, où elle prit des proportions encore inégalées. Elle investit alors les supports les plus variés dans une quête toujours plus savante de la somptuosité : on brodait alors les housses de chaises et de sofas avec des fils de laine et de soie aux couleurs bigarrées et on décorait les tentures de reps de broderies précieuses de soie multicolore. Le vêtement masculin surtout – habit, culotte et gilet – fut abondamment travaillé. Au XVIIIème siècle, la broderie représentait toujours un secteur particulièrement dynamique : on recensa quelque vingt mille brodeurs en 1789 dans les ateliers de Lyon !

La broderie française adopta un nouveau visage au XIXème siècle, avec le déploiement dans toutes les classes de la société, du phénomène des « ouvrages de dames ». Devenu un élément fondamental de l’éducation des jeunes filles, ce travail à l’aiguille représentera désormais un loisir féminin privilégié et redeviendra, de façon plus contemporaine, un support de la création artistique. Des grands noms de la haute couture lui apporteront enfin un prestige supplémentaire ; ceux de Lesage et de Rébé resteront ainsi associés à la notion de broderie de luxe.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Anniecac 1850 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte