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Restaurant Magma à Malines (Mechelen)

Par Eric Bernardin

(les bocaux font 20-25 cm de hauteur)

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Il existe deux menus : un végétal et un "mixte", comprenant du végétal et de l'animal. Nous choisissons le premier car il correspond plus à la philosophie du lieu. Autant la vivre pleinement. La mise en bouche vous plonge directement dans l'ambiance, avec des légumes cuits al dente (pousses de brocoli et haricots verts) à tremper dans une huile aux herbes . La courgette-fleur, elle, était crue. Il y avait aussi des crackers aux graines de lin.

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 Cette bière aux agrumes nous est servie pour accompagner le premier plat. Mais comme nous l'avons bue avec la mise en bouche, notre aimable serveuse nous en a servi de nouveau.

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L'assiette se révélera typique du style épuré du chef Maarten Van Essche qui a travaillé chez Rene Redzepi (Noma) et  Peter oossens (Hof van Cleve). Une grande feuille de chou "coeur de boeuf" qui enveloppe un tartare de graines de tournesol. A côté, une émulsion à base d'ail (de mémoire), très douce. La feuille est encore finement craquante. Et le tartare a de la mâche tout en étant moelleux comme peut l'être un risotto. Je ne connais pas la recette, mais je ne serais pas surpris qu'il ait fait germer les graines quelques jours afin de développer leur sucrosité. Même si c'est très atypique, cela a séduit Ludovic, peu habitué à ce genre de cuisine. 

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Nous passons à Ceci n'est pas un Rancio du Mas Delmas. Même s'il rend hommahe à un Belge, on est ici dans le Roussillon. Ce vin est issu des bourbes issues des différentes cuvées du domaine, patiemment décantées, puis vinifiées et élevées sous voile. Un vin d'une grande finesse tactile, aux arômes abricotés, légèrement fumés, aussi séducteur qu'étrange. 

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Il accompagne le deuxième plat autour de la carotte et de l'abricot. Mon réflexe de carnivore me laissait penser qu'il y avait au-dessus des fines tranches de jambon fumé croustillant. Evidemment, quand vous les mangez, il y a une dissonnance cognitive et gustative : c'est de l'algue  (dulse, je suppose) ! Les carottes sont cuites tout en gardant une certaine résistance, et subtilement fumées. L'abricot est moelleux, pas trop sucré. Le mariage entre les deux est troublant et étonnant, d'autant que vous mangez le fruit par surprise, car il repose tel un caméléon sur les carottes. Vous croyez manger une carotte, et vous tombez sur un quartier d'abricot. La sauce en dessous est également abricotée (en tout cas, c'est l'impression que j'ai eue) et utlise du koji, comme nombre de plats de ce restaurant. Ce ferment utilisé pour les sake apporte une grande douceur – pas du tout sucrailleuse. 

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Le pain, fabriqué sur place, est une pure tuerie. Rien que pour lui, ça vaut le coup de venir à ce restaurant. Le beurre, servi tempéré, a un subtil goût d'agrume, et s'avère tout aussi addictif. Ils permettent de patienter entre les plats, car le service s'avère long, même si le restaurant n'est pas bondé. 

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Je n'aurais pas pensé à servir un vin blanc avec un plat à base de tomates. Et pourtant cet Ugni Glou signé Jean-Marie Rimbert, tout rond, frais et gourmand, fera un excellent contrepoint aux légumes très goûteux et relevés. Le plus bel accord du jour. 

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On retrouve une grande sobriété de présentation. Une tranche de tomate crue. Une tomate entière qui a l'air confite.. Et deux tranches d'ail éléphant lactofermentées. Lorsqu'on entame la tomate, on s'aperçoît qu'il n'en reste que la chair extérieure. Elle est emplie d'une sorte de pâte dense d'un rouge intense, et au goût phénoménal de tomate hyper concentrée, d'un umami mega++ , contrebalancé par les notes sucrées et sensuelles du poivron rouge confit / grillé, formant un ensemble dinguissime. Ludo et moi n'en croyions pas nos papilles ! Pour nous deux, C'est LE plat de tomate qui nous a le plus marqué de notre vie (et pourtant, j'en avais mangé un excellent la semaine précédente au Luxembourg).  La tranche de tomate apporte une touche de fraîcheur bienvenue (et rappelle à quoi la tomate peut ressembler avant sa sublimation).  Le jus lactoferménté placé en dessous corsé au Habanero apporte un tonus supplémentaire s'il 'en était besoin. Et l'ail posé dessus est absolument délicieux, pas agressif du tout. Un très grand plat, tout simplement. 

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Ce Chiaroscuro du domaine Tunia  est un rosé bien coloré (façon Tavel de l'Anglore) issu de cabernet-sauvignon toscan. C'est vif, tendu et fruité en bouche, sur le cassis et la framboise, soulignés par le poivre. Un vin de caractère. Va falloir que le plat suive. 

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C'est le chef en personne qui nous a amené le plat suivant. J'ai pensé à le photographier. Ce qui m'a fait oublier de shooter l'assiette. J'ai donc demandé après coup au restaurant de m'envoyer une photo de celle-ci. Ce qu'ils ont fait gentiment. 

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Vu l'expérience que nous venions de vivre, je m'attendais à un plat qui déménageait plus encore. Eh bien pas du tout. Les tranches d'aubergine ont été cuites au minimum possible (crues, elles seraient toxiques), les rendant moelleuses tout en gardant de la mâche. Leur goût est très subtil, plus japonais que français dans l'esprit. Ce ne sont pas les feuilles de shiso pourpre posées sur les aubergines  ni le koji utilisé dans le bouillon qui me feront penser le contraite. Caché en dessous, de l'oignon confit contraste par son intensité et sa sucrosité. Un plat fin, délicat, aussi intéressant que déroutant, qui gagnerait à être placé AVANT la tomate. De même; il faudrait un vin plus fin que le rosé toscan pour l'accompagner. Car celui-ci est trop puissant. 

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Décidément, l'équipe du restaurant doit savoir qu'ils ont affaire à des amateurs de cépages borderlais. Après le cabernet toscan, voici le merlot de Limoux vinifié en macération carbonique. C'est très nature dans l'esprit, avec pas mal de gaz carbonique, avec une matière juteuse et fruitée, plutôt gourmande. C'est pas mauvais, mais ne casse pas trois pattes à un canard. 

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Même si le poireau est censé être la vedette de l'assiette – et visuellement, on pourrait le croire  car on ne voit que lui  – c'est en fait le quinoa qui  prend rapidement le dessus. Le premier est le principal ingrédient de la farce sous forme de graines grillées et cuites dans un bouillon végétal corsé et aromatisé à la graine coriandre torréfiée. C'est tellement intense qu'on a l'impression de manger de la viande. En dessous de la "papillotte", il y a également un miso de quinoa (et non au quinoa). Et puis (de mémoire), il y a aussi une duxelle de champignon à la cuisson poussée qui lui donne aussi un goût "viandard". Un plat très intéressant qui nous a séduit tous les deux. 

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Le restaurant offre le dessert aux personnes venues à Malines en train, ce qui était mon cas. Mais Ludovic qui a pris son automobile s'est aussi laissé tenter par cette glace à la fraise, granité de cerise et églantier (photo du restaurant, car la mienne n'était pas terrible, ayant été prise en pleine nuit). Il a eu bien raison, car à l'instar de La tomate, ce dessert est d'une intensité incroyable : vous êtes totalement immergé dans la fraise, à un point que ce n'est même pas imaginable. Et sans que ça fasse artificiel. Ni confit. Bluffant !

Clairement, deux plats se distinguent nettement des autres (vous aurez compris lesquels), mais tout était digne d'intérêt, sans parler du pain, à tomber ! Le principal défaut fut l'attente entre chaque plat. Nous sommes arrivés à 18h30, et repartis à ... 23 h. S'il y avait eu 15 plats, j'aurais pu comprendre, mais il n'y en avait que 6. Et le restaurant était loin d'être bondé. Au départ,  j'avais prévu de venir seul et de rentrer en train. Heureusement que Ludovic a décidé de me tenir compagnie et de me ramener en voiture. 

On pourrait aussi trouver les prix trop élevés au vu de la prestation (on est légèrement au-dessus des 100 € par personne). Mais c'est finalement dans la moyenne en Belgique, comme en Allemagne où je suis allé en mai dernier. C'est là que l'on se rend compte que les restaurants français ont des meilleurs rapports qualité/prix. 

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Restaurant Magma

Borzestraat 5, 2800 Malines, Belgique

Téléphone : +32 15 68 96 09

Mail : [email protected]

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