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22 articles publiés et affinités en 2022

Par Gangoueus @lareus
22 articles publiés et affinités en 202222 articles publiés sur le blog collaboratif, dont deux formidables contributions de mon ami Abdoulaye Imorou qui enrichit la plateforme depuis Accra. Si j’ajoute à cela une douzaine d’articles sur Chroniques littéraires Africaines, On atteint à peine une trentaine de livres lus cette année. Ce qui est catastrophique.
Une explication ? Je fais ce que je veux. Plus sérieusement, j’ai eu moins de temps de lecture possible. La première raison est l’institutionnalisation du télétravail. J’aime lire dans les trains, dans les transports en commun. Dans les premières années de mon blog, l’univers visuel de mes ouvrages  était constitué de quais de gare, des banquettes de métro ou de RER… Il y a cela. Il y a des projets personnels et professionnels. Il y a aussi, soyons honnêtes un débordement des social médias sur le temps de lecture… C’est à la fois triste et drôle. Un blogueur en écrivant son article doit en même temps penser à la manière avec laquelle il va cross-communiquer sur les contenus qu'il produit. Il doit observer les nouvelles formes de communication. Le podcast. Le live Instagram. L’interaction ludique de TikTok. A trop regarder, on s’y perd. Discord. Twiche. Heureusement que l’émission littéraire me pose quelques contraintes bienvenues, et que se greffent des collaborations avec le Jip’s par exemple.
Lentement mais très sûrement, ma PAL augmente à mon grand désespoir. Et j’ai tendance, fait nouveau, à me mettre plus de pression dans la publication de mes articles. Ce qui allonge les délais d'écriture, l’interprétation de la lecture qui s’effiloche avec le temps. En précisant cela, j’ai l’impression d’avoir lu des livres beaucoup plus profonds, j’abandonne plus facilement des livres sans intérêt sur le plan artistique, parce que je privilégie ma qualité de vie et mon bonheur de lecteur. Bref, en 2022, de très bonnes pioches. 
En suivant la chronologie de mes lectures, je commence par Patrice Nganang et le come-back de Mboudjak, le chien philosophe, 20 ans après ses premières aventures avec son maître Massa Yo comme pour les Trois mousquetaires. 20 ans. Un roman exceptionnel par sa thématique, la mise en scène originale d'un cadre, d'une concession, pour que les mots se déploient, des langues meurtrières au Cameroun s'entendent mieux s'entrechoquent. Entre le camfranglais et le pidgin, le français et l’anglais, le medumba et l’ewondo... Au delà des enjeux pétroliers qui ne sont pas négligeables, la crise anglophone du point de vue de Nganang se construit autour d’une rupture, d’une barrière de communication qui entraîne après l’incompréhension, le mépris et enfin l'écrasement. C’est aussi, au-delà de la lecture, l’observation de la campagne de promotion de ce livre passant par des circuits de distribution plus communautaires, moins conventionnels. Il faudra mesurer avec Teham, l'éditeur, l'efficacité de cette démarche nouvelle.

Monde Arabe de Koffi Olomidé

Les mélomanes du crooner congolais comprendront peut être. Paradis, l'écrivain zanzibari Abdulrazak Gurnah m’a interpelé aussi dans le chevauchement des langues, ici le swahili et l’anglais. Mais aussi l’observation des échanges, des ponts entre les langues d'Afrique centrale, en particulier, entre le lingala et le swahili. J’ai des origines congolaises et certains termes swahili exprimés par les personnages zanzibari du roman m’ont interpelé comme « Mukbwa »  (chef, autorité), basenzi (sauvages). Ce dernier terme swahili traduit le regard condescendant des Zanzibari, des commerçants arabes à l’endroit des populations du continent africain avec lesquelles ils sont en transaction. Il y a dans ce regard, quelque chose de conradien. Donc, particulièrement embarrassant. Gurnah est-il influencé par Conrad quand il décrit les épisodes de traversée des caravanes de commerce dans les zones extrêmement hostiles qui ressemblent à l’actuel Maniema (est de la RDC). Est-ce tout simplement l’ère du temps ? L’influence de la culture arabe dans l’esthétique de son roman est palpable. Je connecte immédiatement avec d’autres grands plumes de l’est africain comme les soudanais Tayeb Saleh ou Abdelaziz Baraka Sakin ou encore le tchadien Nétonon Noel Ndjekery.  Un peu rapidement, dans son fabuleux roman Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis, quand j’ai cru voir un lien dans son écriture avec la littérature arabophone, ce dernier a plutôt considéré l’influence des ghosta, sorte de griots ou de conteurs du sud du Tchad. Il est encore question de violences sourdes, de la Traite orientale dans son horreur la plus brutale. Ce que j’aime, c’est que le tempo choisit par ces acteurs permet d’avoir accès à une lecture profonde et non pilotée de cet aspect de l’histoire. La puissance de l’écriture, l’usage des symboles forts questionnés cet imaginaire pour déconstruire les cycles de brutalité et de domination.

Les femmes

Du coup, ma lecture de Coeur de Sahel de Djaïli Amal Amadou a pris un sens particulier. J’ai fait cette lecture dans le cadre de la préparation d’une master class pour la Route des Chefferies, une excellente exposition sur les structures bamiléké dans l'ouest du Cameroun. L’écrivaine camerounaise a produit, de mon point de vue, une oeuvre admirable. Très abordable dans sa forme littéraire. Voir très simple. Je ne le classerai pas dans la romance, parce que ce livre est beaucoup plus complexe par les questions sociales, sociologiques qu’il aborde. Peule, Djaîli Amal Amadou parle de la condition des servantes de Maroua qui appartiennent aux populations environnantes de Maroua, soumises au diktat des notables peuls de la grande ville du nord de ce pays. Sauf que l’histoire du nord Cameroun est celle du sud du Tchad. Les notables peuls de la région ont construit leur puissance par le biais de la Traite orientale et des razzia. Le discours d’un autre écrivain éclaire encore mieux le propos extrêmement courageux de Djaïli Amal Amadou qui porte un regard critique sur les travers et les abus des siens. La question fondamentale pour elle, est celle des femmes. Comme pour Touhfat Mouhtare, avec son deuxième roman Le feu du Milieu, qui choisit l’évasion pour dépasser le sujet de l’asservissement de femmes aux Comores. La sororité pour souligner que les différences de classe, la condition de la femme en prise au patriarcat sournois et  vorace. Difficile de ne pas penser, parce qu’on est aux Comores, au roman d’Ali Zamir, Anguille sous roche. Touhfat Mouhtare est audacieuse. Elle est malicieuse aussi. Elle offre par un roman à la forme étonnante, une critique subtile de la place de la femme dans le Coran et, par extension, dans une société musulmane. Elle pousse plus loin son questionnement en rappelant les croyances pré-islamiques comoriennes. Touhfat. Ernis, me fait pense à elle, dix ans plus tôt. Comme une reine est un autre texte intéressant pour questionner la place de la femme dans une société rurale camerounaise. Une femme qui cherche à se reconstruire après avoir cherché sa place à Douala. Après de nombreuses années d’étude, des petits boulots peu valorisants. Le village va lui permettre de rencontrer l’amour, le pouvoir, la polygamie…. Prix RFI Voix d’Afriques… 
Des femmes encore avec l’Haïtienne Emmelie Prophète, avec Le testament des solitudes. Des voix de femmes. Dois-je dire accablées par le désespoir d’un pays délabré, des femmes habitées par le seul désir de partir, Emmelie Prophète qui a publié ce texte en 2007 nous conte son pays, ces exils, ces impasses. Qui peuvent lasser le lecteur passionné de littérature haïtienne, tant par ce texte confirme ce fait d’être enfermée dans un cul-de-sac. Ne faut-il pas ré-interpréter le passé pour mieux expliquer le présent ? Il y a un exercice de style, un jeu avec la langue dans ce roman qui rappelle la qualité des grandes plumes haïtiennes...

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