Il ne s’agit pas seulement d’un roman policier mais d’une thèse geopolitique étayée sur une masse de documentation, des révélations époustouflantes, une ouverture sur la situation d’ensemble du continent américain, la constante politique anticommuniste des Etats-Unis et le rôle central de carburant financier des différentes drogues.
On peut lire cette série dans n’importe quel ordre car la problématique traitée est toujours d’une brûlante actualité. Ce premier épisode publié en 2005 se déroule entre 1975 et 1999. Une période où les technologies de communication sont déjà sophistiquées mais pas autant qu’aujourd’hui.
La Guerre froide fait rage, les mouvements révolutionnaires se financent – entre autres sources - grâce au trafic de stupéfiants. Les Etats-Unis n’y sont pas indifférents voire complices, c'est une des thèses du roman. On voit mal enfin comment les populations des pays d’Amérique latine pourraient se passer de cette source de revenus. Sauf que ce sont les barons de la drogue qui confisquent l’argent à la place des anciens propriétaires terriens …
Le héros principal de cette épopée est Arturo Keller, agent de la DEA, chevronné, idéaliste violent et acharné. Catholique, il a quarante-sept ans en 1997, son père est américain et sa mère mexicaine, il joue donc sur les deux versants de l’immense frontière si peu étanche entre le Mexique et les Etats-Unis. Face à lui, deux ténors sanguinaires : l’oncle et le neveu. Art les connaît bien, depuis sa prime jeunesse. Là est le ressort de cette tragédie en trois actes.
C’est une littérature de violence absolue, les scènes d’action plus efficaces qu’un très bon film de guerre. En fil rouge de toute l’histoire : le pouvoir, l’argent, la trahison, la vengeance systématique, la raison d’Etat qui prime naturellement sur la morale. Foisonnement de personnages aux motivations troubles, avec deux figures particulièrement attachantes : un ecclésiastique tenté par la théologie de la libération et une jeune prostituée de haut vol redoutablement intelligente.
Un livre culte qu'on ne peut lâcher.
La griffe du chien -The Power of the Dog – thriller de Don Winslow traduit par Freddy Michalski, Chez Fayard collection Points, 829 p., 9,90€