Homme de défi tout autant que d’écriture, Sylvain Tesson multiplie les expériences de vie extrêmes. Il a pris l’habitude depuis l’enfance de dormir à la belle étoile et ce qui serait impossible pour le commun des mortels ne l’effraie pas. Il a passé des mois sur le lac Baikal, en Sibérie, le temps d’écrire Dans les forêts de Sibérie, qui a fait l’objet d’une pièce de théâtre qui fut longtemps à l’affiche du Poche Montparnasse après avoir été créée à la Huchette).
Pierre, un célèbre explorateur et écrivain, voyage régulièrement à travers le monde en quête d’aventures. Un soir, il escalade la façade d’un hôtel, ivre, et fait une chute de plusieurs étages. Le choc le plonge dans un coma profond. À son réveil, alors qu’il tient à peine debout et contre l’avis de tous, il décide de parcourir la France à pied en empruntant les chemins oubliés. Un voyage unique et hors du temps à la rencontre de l’hyper-ruralité.Tel est le synopsis, et c’est là que le bât blesse parce que, hormis une séquence montrant le marcheur en empathie avec un jeune homme (Dylan Robert), on le voit seul, sans grande émotion, sans aucun regret de son geste fou, très auto centré, profitant sans état d’âme de la gentillesse d’une fromagère … On ne peut pas dire que ce film célèbre la ruralité même si plusieurs plans sont d’une beauté magnifique.L’émotion par contre est visible dans le regard de sa tante (Anny Duperey), ou celui de sa petite soeur (formidable de naturel Izïa Higelin) et bien entendu chez son ex-petite amie (Joséphine Japy) qu’il avait entraînée à escalader des parois abruptes en l’encourageant d’un « tu vas y arriver » encore une fois égoïste. S’agissant soit-disant d’une fiction on aurait pu développer un point de vue écologique, humaniste … et pas limiter seulement le film à nous montrer un homme qui marche dans les pierriers. On se demande d’ailleurs comment il faut pour éviter toutes les villes. A croire que la France est un désert, sur le plan humain.On sait bien que la marche peut être rédemptrice, mais à condition d’être différent à l’arrivée. Je n’ai pas perçu ce changement. A tel point que l’homme parvient à destination sans avoir usé ses vêtements ni sali sa chemise d’une blancheur que personnellement je n’ai jamais réussi à conserver plus de 48 heures. C’est un des paradoxes du cinéma qui m’agace, à l’instar des valises que les acteurs portent sans que leur bras ne soit tendu par leur poids, en toute logique puisque l’accessoiriste n’a pas songé à lester ces valises et qu’elles sont vides.Jean Dujardin a volontairement décidé de faire ce film puisqu’il le co-produit. Il interprète le rôle avec finesse mais il a beau pencher la tête sous la casquette, son physique est celui d’un athlète. Il n’a pas le corps de Sylvain Tesson dont la fragilité (apparente) n’est pas rendue malgré un maquillage suggérant à la perfection la cicatrice qui lézarde sa joue.Les minutes passent, un peu longues, dans une atmosphère artificielle. Et pourtant on sait que l’histoire est vraie, que cette traversée a bien eu lieu. Elle était sans doute nécessaire pour Sylvain Tesson. Moins pour nous.Sur les chemins noirs de Denis Imbert, avec Jean Dujardin, Izïa Higelin, Josephine Japy, Anny Duperey, Dylan Robert …Produit par Radar Films
Sur les écrans depuis le 22 mars 2023
Photos © Thomas Goisque ou © 2021-Radar Films-La Production Dujardin-TF1 Studio-Apollo Films Distribution-France 3 Cinéma-Auvergne Rhône Alpe Cinéma