Chaque mois, dans ses 10 derniers jours, tout comme je le fais pour le cinéma (dans ses 10 premiers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parles de l'une de mes trois immenses passions: La littérature !Lire, c'est choisir d'investir un autre monde, explorer des univers, se réconforter, s'éblouir, rire, pleurer, c'est apprendre, s'informer, se questionner, s'ouvrir les sens. C'est accepter de vibrer sur le rythme du souffle de quelqu'un d'autre. C'est respirer, pendant un temps, autrement.
Et respirer, c'est vivre.

Roberto Bolano a été une voix latine importante durant son époque qui s'est étendue sur 10 ans, de 1993 à 2003. L'auteur chilien avait été journaliste, supporteur de Salvador Allende, àthéiste, Trotskyste, et co-fondateur d'un club de poésie dont il en fait un peu la parodie dans son 3ème livre Les Détectives Sauvages, traduit en 2007. 5 ans après sa mort. Mais originalement paru en 1998.
Narré à la première personne, le roman est divisé en trois parties avec plusieurs narrateurs différents.

La seconde partie est la plus longue. Plus de 40 narrateurs nous la raconte sur une période de 20 ans entre 1976 et 1996. Il s'agit d'une série d'entrevue avec des gens qui auraient été ou côtoyé les viscéraux réalistes. On passe de l'Amérique du Nord, à l'Europe, jusqu'au Moyen-Orient et en Afrique. On parle des deux fondateurs du mouvement de poètes selon plusieurs perspectives. L'un d'eux passe du temps en prison, à Israël tandis que l'autre défie un critique dans un absurde combat d'épée sur la plage.

Il reste impressionnant que Bolano arrive a produire une narration aussi puissante dont l'arc se déploie autour de 2 personnages absents. Le livre contient de très nombreux monologues intérieurs ce qui nous fait comprendre les personnages assez complètement puisque nous les habitons longuement sur plusieurs pages, de l'intérieur. Du moteur de pensée. Ce qui semble périphérique ne l'est jamais complètement. Ça peut paraître intimidant de suivre près de 50 voix différentes, mais c'est si habile qu'on ne s'en rend plus nécessairement compte quand les propos sont si imagés, on est mentalement placés ailleurs, nous aussi.

Bolano mourra à tout juste 50 ans. Dans l'attente d'une greffe du foie qui n'arrivera jamais à temps. Poète lui-même, son lyrisme a quelque chose de baroque. Son alter ego dans le livre est très facile à identifier. Il a presque son nom. Mais il s'inspire de plusieurs personnalités qu'il a connu, Mario Santiago Papasquiaro, Juan Garcia Ponce, Octavio Paz, Concha Urquiza, Ramon Mendès, Carla Rippey, Ignacio Echevarria. Plusieurs portant carrément leur vrai nom. On pourrait supposer que ce qui est dit et ce qui leur arrive dans le livre serait vrai, alors que plus souvent qu'autrement, non.


Ce 3ème roman (il a fait une nouvelle après 2 romans) est un livre chorale sur le chaos magistralement orchestré. C'était une spécialité de Bolano. De baigner au travers du chaos. Il nous plonge dans ses années 70 (photo, ici, à gauche)
Le livre est comparé aux grandes oeuvres de Cortazar, Garcia Marquez et Thomas Pynchon.
À juste titre. Ce n'est pas rien.
