A l'occasion de l'avant-première du film "Pour l'honneur" mardi 25 avril dernier ,à Lyon, le comédien et humoriste Mathieu Madénian et Philippe Guillard étaient présents au Pathé Lyon de Vaise
12 ans après Le fils à Jo, Philippe Guillard- dit la Guille du temps où il tatait du ballon ovale- renoue avec le rugby avec "Pour l’honneur". L’histoire d’un derby en Corrèze, où il évoque racisme et situation des demandeurs d'asile.
Philippe Guillard, s’est inspiré d’une histoire vraie d’intégration par le football en Italie pour écrire son film dont la sortie est prévue le 3 mai 2023 :
.ENTRETIEN AVEC LE RÉALISATEUR PHILIPPE GUILLARD
COMMENT VOUS EST VENUE L’IDÉE DU SCÉNARIO?
Déjà, un, j’avais envie de revenir au rugby. C’est mon ADN. J’en avais déjà fait le cœur de mon premier film, Le Fils à Jo, mais sous prétexte que la popularité du rugby est relativement faible, beaucoup de gens me décourageaient d’y retourner. Mais en fait, le rugby n’est qu’un prétexte à raconter des histoires humaines et universelles.
Comme la danse, la musique, l’art, etc… Après tout, Marchal, en tant qu’ancien flic, enchaîne les films de flics et de voyous, alors, pourquoi moi en tant qu’ancien rugbyman, devrais-je me priver de scénarios autour d’un sport qui me tient tant à cœur et que je connais comme ma poche ?
Et la deuxième raison, c’est Eric Fourniols, lui aussi réalisateur et scénariste, et surtout ami de 40 ans, ancien joueur de rugby comme moi. Il jouait à Toulon, moi, au Racing. Un jour, il me fait lire un article. Celui-ci raconte comment des migrants demandeurs d’asile qui s’étaient installés dans un petit village, en Italie, contre l’avis de tous ses habitants, ont fini par s’y intégrer grâce à l’équipe de foot.
Et que, au-delà des victoires sur le terrain, cela a surtout eu le mérite de déboucher sur des victoires de cœur sur les préjugés. J’ai trouvé cette histoire magnifique et je me suis dit qu’en remplaçant le foot par le rugby, elle ferait un beau scénario, Eric a accepté de m’en faire cadeau et on l’a écrit ensemble.
POURQUOI CETTE HISTOIRE D’INTÉGRATION PAR UN SPORT COLLECTIF VOUS AVAIT-ELLE TANT TOUCHÉ ?
Elle m’a rappelé mon enfance.
Je suis né en Guadeloupe, et j’ai passé 15 ans dans les DOM-TOM, en gendarmerie. A l’époque, comme on y allait seulement par bateau, il y avait peu de coopérants. À l’école, j’étais souvent le seul blanc, le Z’oreille, comme on dit là-bas. Je ne venais pas d’un pays en guerre, je n’avais pas subi le pire, comme les migrants d’aujourd’hui, mais pour les natifs de l’île, j’étais quand même considéré comme une sorte de demandeur d’asile.
Il fallait que je me fasse accepter. J’ai appris à parler créole et comme j’étais plutôt à l’aise avec un ballon, j’ai commencé à faire du foot dans la cour de récréation.
C’est comme ça que je me suis fait mes premiers copains. Le rugby est venu vers quatorze ans. Ce sont des militaires, qui m’y ont initié et m’ont appris à l’aimer.
Quand nous sommes rentrés en France, j’avais 16 ans. Mon père a été muté à Fontainebleau.
C’était alors une ville très bourgeoise. J’étais fils de gendarme. Personne ne m’adressait la parole. Le racisme peut aussi être social. J’étais d’autant plus déraciné qu’on a débarqué en hiver sous la neige, alors que j’étais habitué, au soleil, tous les jours, et à la plage le dimanche. Je me suis inscrit au rugby. J’ai marqué des essais. Et j’ai eu des copains pour la vie.
EN ÉCRIVANT VOTRE SCÉNARIO, AVEZ-VOUS EU PEUR DE TOMBER DANS «LA MARMITE DES BONS SENTIMENTS» ?
Trop tard (rires) ! Je suis tombé en plein dedans… Mais je m’en moque, certains prétendent qu’on ne peut pas faire un bon film avec de bons sentiments. Moi, je prétends le contraire. J’écris avec mon cœur et mon instinct. Je ne calcule rien du tout. Et si on me trouve trop «fleur bleue», tant pis : j’assume.
Une chose est certaine : Éric et moi ne voulions pas politiser le film, juste en faire une histoire humaine, sur un mode «comédie», sans violence, mais sans angélisme particulier non plus. L’équilibre a été un peu «touchy» à trouver et à maintenir. Eric est un scénariste exigeant sur la véracité des choses.
C’est lui qui a bâti les trajectoires des demandeurs d’asile pour qu’elles soient crédibles. Il a été aidé par une amie avocate qui travaille depuis 20 ans dans l’aide aux demandeurs d’asile. Donc on s’est vraiment appuyés sur de l’authentique, sur du vrai, sur du vécu.
ÉCRIRE SUR CE SPORT RASSURE-T-IL LE SCÉNARISTE QUE VOUS ÊTES ?
Complètement. Je connais ses personnages par cœur. J’ai commencé à y jouer à 14 ans, j’ai arrêté le terrain à 32, mais ensuite, j’ai travaillé pendant près de 20 ans comme chroniqueur sur Canal+.
Je connais 4 générations de joueurs. Et j’espère bien que ça ne va pas s’arrêter là. Les rugbymen, ce sont mes amis, mes frères. Chez eux, je suis comme chez moi. Et vice et versa. Je parle comme eux. Je vis comme eux. Je me sens bien avec eux.
DANS QUEL PERSONNAGE DE VOTRE FILM VOUS ÊTES-VOUS LE PLUS PROJETÉ ?
Je suis un peu dans tous, mais surtout dans celui de Marco, que joue Olivier Marchal, et dans une moindre mesure, dans celui de Salifou, joué par Saabo Baldé, quand il constate, à son arrivée dans le village, qu’on joue seulement au rugby et pas au foot.
J’ai connu la même situation. Le premier ballon que j’ai touché était un ballon rond. Et j’ai suivi une bande de fous au rugby, intrigué par cette forme de ballon et j’ai eu un coup de foudre, définitivement (rire)…
VOS DIALOGUES SONT TRUFFÉS DE BONS MOTS ET DE PROVERBES HILARANTS… SONT-ILS DE VOTRE IMAGINATION OU DE LA VRAIE VIE ?
Les deux.
Avec Eric, on connaît ce milieu par cœur, on a eu la chance de rencontrer des personnages «pagnolesques» toute notre carrière. Les dialogues dans le rugby, c’est simple, c’est comme la pêche aux moules à Piriac-sur-Mer à marée basse, il n’y a qu’à se baisser…
En revanche, pour les proverbes africains, on a été beaucoup plus scrupuleux. On a enquêté sur internet mais avant de les replacer dans le film, on a vérifié leur authenticité.
Comme ce sont des proverbes qui sont censés circuler depuis longtemps et qu’ils appartiennent à une autre tradition que la nôtre, il ne s’agissait pas d’en changer une virgule.
VOUS AVEZ TOURNÉ À MEYMAC PRÈS DE BRIVE. CONNAISSIEZ-VOUS LA RÉGION ?
Pas du tout. Mais comme je suis un grand curieux des «terres» de rugby, j’essaie d’en découvrir une nouvelle à chacun de mes tournages.
Là, en l’occurrence, c’était une proposition de Simon Gillham, le Président du Club de Brive avec qui nous sommes partenaires dans ce projet.
Du coup je suis allé repérer et j’ai eu un coup de cœur. La Corrèze est une région magnifique peuplée de gens accueillants et généreux.
La pierre, l’ardoise, les petits ponts, les villages, la verdure, tout était artistiquement joli à filmer. Prime à Meymac avec 80% des décors dans le même village. Un luxe.
J’ai habité à 3 minutes à pied de chaque décor. C’est vite devenu notre spot de tournage et aussi d’extra-tournage, notamment les mercredis soir pour les soirées des producteurs locaux qui se finissaient par un bal… les jeudis matin étaient poussifs
UN MOT SUR LA CHANSON GENERIQUE CHANTEE PAR FRANCIS CABREL…
En fait, mon amitié avec Francis est moins ancienne que mon admiration pour lui. C’est un fan de rugby et il en partage les valeurs.
Il habite une petite ville proche d’Agen où il va voir tous les matchs depuis 40 ans. C’est là que je l’ai connu quand je travaillais pour Canal+.
Il y a deux ans, je suis allé chez lui pour lui demander s’il pouvait m’écrire une chanson pour le film. Il me promit d’y réfléchir…
Le temps passe, le tournage approche. Je pense qu’il m’a oublié et je n’ose pas le rappeler.
Et un beau jour, je reçois un coup de fil : Francis m’annonce qu’il m’envoie quelque chose. C’était top, et c’est devenu la chanson du générique de fin. Un peu comme Céline Dion pour Titanic (rires) ! Et comme on finissait le film avec une voix célèbre du Sud
VOTRE FILM, JUSTEMENT, DANS QUEL CATEGORIE LE CLASSERIEZ-VOUS ?
Oh là, j’en sais «fichtre rien». Je crois qu’il y a de la comédie, de l’émotion, mais c’est tout ce que je sais. Je laisse le soin aux autres de le classer ou de le déclasser (rires).
Ce n’est plus à moi d’en imposer la vision. Y en a qui vont le référencer comme comédie dramatique, d’autres comme comédie sociale, ou sociétale, etc…
La seule chose que je sais, c’est que j’ai fait ce film comme tous les autres, avec mon cœur et ma sincérité.
En résumé, Pour l’Honneur n’a nulle autre prétention que d’être tout simplement une belle aventure humaine qui fait appel à ce que nous avons de meilleur en nous.
POUR L’HONNEUR de Philippe Guillard, au cinéma le 3 mai.
(Extraits du dossier de presse du film)
Merci au Pathé Lyon et à SND films
Crédit Photo : Fabrice SCHIFF