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L’AI aura-t’elle la peau de la street photography?

Publié le 04 mai 2023 par Paulo Lobo

Bientôt les algorithmes AI fabriqueront de toutes pièces des images qui ressembleront aux photos que nous prenons aujourd’hui de façon intuitive et organique dans les espaces urbains.L’AI aura-t’elle peau street photography?

L’AI aura-t’elle la peau de la street photography?

Beaucoup qualifieront ces images de street photography - par opportunisme, par mercantilisme ou par ignorance. 

Imaginez : vous alimentez votre fil Instagram avec des images simulant des scènes de rue à New York, à Delhi ou encore à Tokyo, dans le style que vous avez choisi, pouvant même singer l’univers de William Klein, de Bernard Plossu ou de Sabine Weiss.

Beaucoup de petits malins s’approprieront et revendiqueront ce processus qui leur apportera à n’en point douter des milliers de followers béats d’admiration.

Bon, s'ils disent clairement qu’ils ne pratiquent pas la street photography, mais bien de l'imagerie artificielle, on pourra difficilement leur en vouloir. 

Après tout, cette technologie ouvre de nouvelles portes à plein de recherches et explorations visuelles, à la fois fascinantes et terrifiantes.

(Qui sait, on verra peut-être poindre des nouveaux Edward Hopper de l’AI qui créeront des chefs d’oeuvre visuels sans rien devoir à la photographie !)

Problème il y aura quand certains laisseront croire à l’authenticité de leurs images.

La loi pour l’instant n’offre aucun rempart, aucun garde-fou contre la confusion entre image réelle - photographie - et image produite artificiellement.

Peut-on imaginer/espérer que dans un futur proche chaque image devra obligatoirement afficher sa vraie nature, son vrai mode de fabrication ?

En attendant, c’est la jungle et on n’en voit que les premiers contours.

Il est certes aberrant de générer des images estampillées "street photography" avec des moteurs AI. Cela va à l’encontre de la définition même de la street qui veut que l’on photographie à la volée des spontanés de rue.

Tout photographe de rue sait que le bonheur de cette discipline consiste, non seulement à obtenir de bons clichés, mais aussi à arpenter de façon improvisée et aléatoire les lieux urbains, à se laisser surprendre par la conjonction accidentelle sujet/formes/lumière, à s’ouvrir de tout son être au monde et aux gens qui s’y activent.

Dans le Petit Prince de Saint-Exupéry, il y a une phrase qu'il m’importe de rappeler. 

"C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante."

Que l'on pourrait paraphraser ainsi : "c'est le temps que tu as passé à arpenter le bitume pour saisir une photo qui fait ta photo si unique."

En réalité, rien n’est plus opposé à la jouissance de l’instant fortuit et vécu que la production d'une image binaire et désincarnée au moyen d’une machine dite 

« intelligente», quel que soit son rendu spectaculaire.

Pourtant, on me dira que, déjà aujourd’hui, grâce aux outils de retouche AI intégrés dans Lightroom ou autres logiciels, il est possible d’optimiser le rendu de nos photos, de gommer des éléments ou des éléments gênants, de magnifier une lumière plate, de reconstituer des bouts de bitume ou de gazon manquant…

Des lors, pourquoi vouloir empêcher quelqu’un d’aller plus loin, de capter par exemple un beau contre-jour dans un tunnel, puis d’y ajouter en post-production des silhouettes en mode ombre chinoise, ou encore de photographier une scène de rue et d’y retrancher une personne ou un ciel gris qui dérange l’esthétique de l’ensemble?

Doit-on dire à chaque fois quel genre et quel volume de retouches on a appliqués à une image que l’on publie sur internet ?

On serait surpris si tout le monde sur Instagram était obligé de montrer l’avant-après de chacune de ses photos. 

Tout cela me fait penser que, depuis des tas d’années, depuis l’avènement de la photographie digitale et de sa diffusion sur Internet, depuis l’explosion des réseaux sociaux, nous alimentons tous la “bête” avec les milliers d’images que nous avons confiées à ce magma virtuel qui a fini par bouffer une grande partie de notre liberté. 

N’étions-nous pas plus heureux quand nous avions 36 vues à prendre avec notre appareil argentique et que nous nous accordions vraiment le temps de bien regarder le monde avant de déclencher ?

Pour ma part, comme beaucoup d’autres, dans mes temps libres, je suis revenu avec délectation à cette technologie “ancienne” et ce mode “slow” de prise de vue.


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