Inconfort et splendeur sont le lot des écrivains et des chats en goguette. Les uns et les autres arpentent Venise, splendeur née de l’inconfort. Cette année-là, de mon hôtel à Dorsoduro, je marchais un moment jusqu’aux Zattere où je rencontrais tous les matins un chat splendide mais au pelage marqué par une vie d’errance et d’épreuves.
Les premières fois, je ne lui prêtais guère attention mais je finis tout de même par lui parler : encore toi ? Il cligna des yeux. Je décidai de l’appeler Sollers en raison de son air matois. Tout à l’heure, j’ai rendez-vous avec Sollers, dis-je un jour au réceptionniste en déposant ma clef. Très bien , merci. Et vous, ça va ? me répondit-il d’un ton enjoué.
Le dernier jour, assis sur une passerelle mobile installée en prévision de l’acqua alta, j’écoutais le clapotis contre le quai lorsque je sentis un frôlement dans mon dos. C’était Sollers. Il s’immobilisa à côté de moi en clignant des yeux. En cette fin d’automne, le moment était venu de faire mes adieux à Sollers. Le jour de Noël, mon épouse et ma fille m’offrirent le Dictionnaire amoureux de Venise. À la lettre Z, Sollers écrit à propos des Zattere : Un voyageur un peu expérimenté sait que c’est le plus bel endroit de l’univers.
(Extrait de L'Italie promise qui vient de paraître.)